On a déjà eu l’occasion de dire tout le bien qu’on pensait du Franco helvète Incardona. Une fois de plus, ce roman nous plonge dans un univers assez commun brutalement perturbé par une décharge électrique.
Père de deux enfants, marié à Margot, une femme à la beauté enviable, Ramon Hill s’est enrichi grâce à ses droits d’auteurs. Car Ramon Hill est l’auteur de deux best sellers et son agent, son éditeur et ses lecteurs attendent avec impatience son prochain roman. Oui mais voilà, Ramon Hill est désespérément sec. Margot est-elle inquiète pour le confort que son époux lui prodigue ou bien en a-t-elle marre de le voir tourner en rond ? Quoi qu’il en soit, elle impose à Ramon un séjour prolongé dans leur résidence secondaire à la montagne, sans les enfants. Mais l’air frais ne ravive pas les méninges de l’auteur à succès. Seul un accident de prise électrique va lui remettre les idées en place. Mais ces 220 volts absorbés comme un carburant vont aussi salement déglinguer la vie de ce couple déjà bien bouffé par le quotidien.
La première personne à laquelle on pense en achevant le premier chapitre de ce roman, c’est Philippe Djian. Pas uniquement parce que le personnage de Ramon Hill est écrivain et qu’il souffre d’un vertige de page blanche, ni à cause de son nom à l’identité parfaitement dosée. Pas seulement parce que cette histoire peut faire sombrement pensée à Incidences. Mais le genre, l’écriture, l’exposition semi distante à la première personne et l’emploi d’un passé imminent composé de phrases simples, elles-mêmes finement parsemées d’humour. L’action aussi, et son déroulé. La question se pose donc de savoir si c’est un hommage. Après tout, avec le précédent Lonely Betty qui se mouvait sous la plume du thriller américain, on est en droit de se demander.
Mais l’intérêt de 220 volts ne tient évidemment pas à ça. L’intrigue est relativement simple, on sent monter la supercherie à laquelle se prête le héros, on a rapidement la préscience de ce qui va arriver, donc quand les faits se produisent, on n’est nullement surpris. Mais Incardona fait parti de ces auteurs qui ont compris que tout avait déjà été raconté, qu’il n’y avait plus d’espoir de ce coté-ci et qu’il était beaucoup plus humble de se frotter aux classiques que d’avoir la prétention de tout révolutionner. Par ce simple fait, et en dehors d’un style absolument impeccable, Joseph Incardona est un écrivain de chute. Un statut éminemment nécessaire lorsqu’on concoure dans la catégorie roman noir. Ici, le polar nait au sein du couple, deux personnages suffisant à mettre en place un intrigue quand on prend fait et cause pour « l’enfer c’est l’autre ».
220 volts est donc drôle, joueur, codifié, djianesque à souhait et se conclue par une révélation à laquelle toute la construction du récit est vouée. Un régal de bout en bout.
220 volts
roman français de Joseph Incardona
Fayard Noir – 2011 – 190 pages