Mikael Korta est un chercheur très créatif. Il sévit pour le compte de la multinationale Biométrics qui travaille principalement, et comme son nom l’indique, sur la reconnaissance et l’identification des être humains à partir de leur iris. Mais Korta vient de découvrir une théorie qui dépasse de loin celle de la relativité d’Einstein, et la stricte mission de ses employeurs. De l’autre coté de l’Atlantique, une de ses consœurs comprend, un peu trop tard, les applications démoniaques que Korta peut tirer de cette découverte. Avec l’aide accidentelle d’un jeune avocat londonien, elle se lance alors dans une course folle pour que n’advienne pas le chaos.
Inutile de nous lancer dans l’explication de la découverte qu’a faite Korta. Ce serait trop compliqué et Klent s’en charge suffisamment bien pour que l’on s’épargne cette tache ingrate. Sachez seulement que, par épisodes programmés, la planète se vide soudain de ses habitants humains sous le regard stupéfait d’un seul et unique « survivant » qui va passer plus de deux heures, totalement seul. L’idée de base est fascinante. La description de ce ressentent ces « victimes » provisoires est parfaitement retranscrite. L’auteur joue cette partition avec la maîtrise de celui qui s’est longuement posé la question de savoir ce que ça peut produire comme effet. Mais Klent va plus loin. Il ne se contente pas de l’effet. Il pousse jusqu’aux conséquences. Que devient un être humain qui a été plongé deux heures durant dans une solitude à laquelle il ne s’attendait pas, mais dont il a aussitôt appréhendé tous les corollaires ? On vous laisse juge, c’est l’un des retournements de cette histoire. Et c’est sans doute la partie la plus intéressante du récit.
On ne reprochera qu’une seule et unique chose à ce scénario bien ficelé. Aussi dense soit-elle, l’histoire courre sur moins de 250 pages. Tous ses personnages cavalent dans tous les sens pour tenter d’endiguer la catastrophe programmée par Korta. Mais Klent est un romantique. Et il se tend un piège dans lequel il se foule la cheville en passant trop vite au-dessus : l’inévitable histoire d’amour. Hola, attention ! N’allez pas vous imaginer que les laborantins du PetLabPotGlob sont de cruels assentimentaux qui vomissent dans les tubes à essais dès qu’un baiser se profile à la fin d’une page. Certes non. Et nous comprenons très bien que pour rassurer son lecteur, Klent s’oblige à unir un homme et une femme dans un récit où la menace principale tient dans le fait que si ces deux là échouent, l’humanité est perdue. Oui, on accepte que l’auteur nous prépare très vite à ces nouveaux Adam et Eve. Oui, mais trop vite. Bien trop vite. Honnêtement, on aurait apprécié que l’avocat et la chercheuse se cherchent un peu avant de se trouver. Juste ça. Et si ça prenait dix pages de plus, au rythme auquel cette histoire se déroule, on aurait pardonné.
Quand on commence à connaître les éditions Attila, on est surpris, avec ce bouquin de ne rien apprendre sur l’auteur Hadrien Klent. L’absence de traducteur malgré un nom à consonance anglo-saxonne, nous donne juste à penser qu’il s’agit là d’un francophone. Quand on connaît bien les éditions Attila, on se dit que ça cache forcément quelque chose. Mais qu’importe, l’affaire n’est pas là.
L’affaire, chez Attila, réside dans l’objet livre lui-même. On y reviendra bientôt avec les œuvres d’Edgar Hilsenrath qui bénéficient d’un extraordinaire traitement graphique – et on en a déjà causer ici-même avec les Extraits des Archives du District de Kenneth Bernard. Mais disons qu’avec ce Chaos, on comprend le projet des deux éditeurs : indissociabilité du livre et de son contenu. Le livre, c’est l’histoire. De la couverture à l’achevé d’imprimer, de la première à la dernière page, le produit final s’appelle Et qu’advienne le chaos. Tout, du graphisme à la typo, est l’histoire que nous raconte Klent. Si nous insistons sur ce point, c’est parce que ce type d’édition est, pour ainsi dire, unique, mais surtout d’un incroyable sens du devoir d’éditeur. Attila donne à ses auteurs un espace d’expression intégral dans lequel la maison s’absente pudiquement. Ce qui fait de ces livres des objets probablement exclusifs, à quelques centimètres de distance à peine du manuscrit original.
Vous l’avez compris, on n’est pas près d’arrêter de vous parler d’Attila et de sa politique de la terre brulante.
Et qu’advienne le chaos
Roman de Hadrien Klent
250 pages – Attila - 2010
Roman de Hadrien Klent
250 pages – Attila - 2010