On peut à peu près tout dire des Amérloques, ils ont surtout une capacité à nous faire flipper en se moquant de leur système social endémique. Parmi les grands manipulateurs de l’American Way of Life, Tom Grimes confirme son classement dans le top 5.
Will est étudiant en virologie dans une université de bord d’autoroute, à une époque où la quasi totalité de ses concitoyens est placée quotidiennement sous camisole chimique. A 18 ans, ce jeune homme pas plus prometteur qu’un autre vient de découvrir un nouveau virus, le SI : Syndrome de l’Information. Jusqu’ici, vivant dans l’ignorance, l’être humain ne se posait pas de questions. En étant brutalement confronté à un débordement d’informations provenant du monde multimédia, le voici qui comprend tout, tombe malade de cette brutale connaissance et finalement meurt. A l’origine de cette pandémie, un méchant taillé sur mesure, le Docteur Bones, célèbre pour avoir retirer toutes les matières grasses de l’alimentation. Will et son fidèle compagnon, l’ordinateur portable Spunky, se lance alors dans une quête héroïque pour laquelle il va demander conseil à la plupart des gens qui l’entourent. Normalement, si tout se passe comme le souhaite Will, il en sortira vainqueur et délivrera le monde du terrible virus qui le détruit.
Les auteurs branques en provenance des USA sont légions mais le tri est vite fait. Jim Thompson est mort depuis longtemps, Westlake depuis peu, Leonard mollit lentement avec l’âge (à lire ici), Christopher Moore n’est pas toujours à la hauteur de ses quatrièmes de couverture, quant à Chuck Palahniuk, je l’ai mis sur le banc de touche en attendant qu’il fasse mieux que son très bidonné A l’estomac (Denoël – 2006 - à lire là) Jusque-là, il ne restait plus que Tim Dorsey, auteur hilarant de cinq romans parus en France dont l’impressionnant Triggerfish Twist (Rivage/Thriller – 2006 - à lire encore ici).
Et voilà Tom Grimes. 55 balais, professeur de littérature à l’Université de Southwest (Texas), meilleur écrivain de l’année 2003 pour le New York Times, auteur de La Cité de Dieu (Gallimard, La Noire – 1999) et… dingue. Quand je parle de dingue, je n’imagine pas un type avec un entonnoir sur la tête. La dinguerie en littérature, c’est la capacité d’un auteur de se foutre royalement du confort de son lecteur, de l’attraper par la peau du dos et de le secouer dans tous les sens en prenant le pari que le type ne décrochera pas jusqu’à la dernière page. La capacité de lui raconter une histoire qui part vers tous les azimuts et de le coller au plancher. La réussite de ce genre de bouquins passe bien entendu par la possession d’une bonne paire de burnes et surtout d’une suffisante adjonction d’intelligence narrative.
Avec Mémoire sous médocs, la réussite est totale. Le monde dans lequel on pénètre est hermétiquement clos. L’université dans laquelle Will exerce ses talents est prise entre une autoroute, une baie polluée et un aéroport militaire d’où décollent quotidiennement des chasseurs pour des entrainements de bombardements. Comme on parle de motels et de restauroutes, Will nous cause ici de « facauroute ». Voilà, on sait tout en trois lignes et on ne sortira pas de là. Will mène une quête sur le mode de celle de Cervantès mais il ne se perd pas dans La Mancha. Non. Son fidèle destrier est un ordinateur et son domaine de chasse va de sa mère au repaire du maléfique Dr Bones en passant par un conseiller en écriture de scénario hollywoodiens et des psychopharmacologues qui le fournissent en médicaments suivant l’état de son projet. Et le projet de Will, c’est de devenir un super héro. Mais pour cela, il doit : sauter la femme, sauver la fille, tuer le méchant, trouver l’antidote. Un foisonnement.
A une époque, Palahniuk était plutôt fortiche dans l’exercice. Un bouquin comme Survivant reste une aventure assez scotchante dans le genre. Mais Grimes enfonce la porte, monte d’un étage et atteint un palier pas très éloigné de celui de Thomas Pynchon. Et on retrouve chez lui, tout ce que l’Amérique sait recycler de ses propres turpitudes, les tournant en dérision tout en disant haut et fort : « Hey, les gars, c’est notre style de vie ! ». Un univers dans lequel se télescopent déjà Les Simpsons, Michael Moore, Lenny Bruce et Southpark.
C’est l’analyse d’une poubelle dans laquelle, en assemblant correctement les déchets, on arrive, par le jeu d’une puissante alchimie, à produire une perle. En espérant seulement que cette prolixité délirante et magnifique aura un avenir, le potentiel de l’Amérique et de Tom Grimes semble en bonne voie.
PS : le roman est dédié à un certain Jody. S’agit-il de notre Jean Paul national, lui-même auteur d’un parfait Chères Toxines (Le Seuil – 2007) sur le monde merveilleux des médicaments (ici) ?
Les auteurs branques en provenance des USA sont légions mais le tri est vite fait. Jim Thompson est mort depuis longtemps, Westlake depuis peu, Leonard mollit lentement avec l’âge (à lire ici), Christopher Moore n’est pas toujours à la hauteur de ses quatrièmes de couverture, quant à Chuck Palahniuk, je l’ai mis sur le banc de touche en attendant qu’il fasse mieux que son très bidonné A l’estomac (Denoël – 2006 - à lire là) Jusque-là, il ne restait plus que Tim Dorsey, auteur hilarant de cinq romans parus en France dont l’impressionnant Triggerfish Twist (Rivage/Thriller – 2006 - à lire encore ici).
Et voilà Tom Grimes. 55 balais, professeur de littérature à l’Université de Southwest (Texas), meilleur écrivain de l’année 2003 pour le New York Times, auteur de La Cité de Dieu (Gallimard, La Noire – 1999) et… dingue. Quand je parle de dingue, je n’imagine pas un type avec un entonnoir sur la tête. La dinguerie en littérature, c’est la capacité d’un auteur de se foutre royalement du confort de son lecteur, de l’attraper par la peau du dos et de le secouer dans tous les sens en prenant le pari que le type ne décrochera pas jusqu’à la dernière page. La capacité de lui raconter une histoire qui part vers tous les azimuts et de le coller au plancher. La réussite de ce genre de bouquins passe bien entendu par la possession d’une bonne paire de burnes et surtout d’une suffisante adjonction d’intelligence narrative.
Avec Mémoire sous médocs, la réussite est totale. Le monde dans lequel on pénètre est hermétiquement clos. L’université dans laquelle Will exerce ses talents est prise entre une autoroute, une baie polluée et un aéroport militaire d’où décollent quotidiennement des chasseurs pour des entrainements de bombardements. Comme on parle de motels et de restauroutes, Will nous cause ici de « facauroute ». Voilà, on sait tout en trois lignes et on ne sortira pas de là. Will mène une quête sur le mode de celle de Cervantès mais il ne se perd pas dans La Mancha. Non. Son fidèle destrier est un ordinateur et son domaine de chasse va de sa mère au repaire du maléfique Dr Bones en passant par un conseiller en écriture de scénario hollywoodiens et des psychopharmacologues qui le fournissent en médicaments suivant l’état de son projet. Et le projet de Will, c’est de devenir un super héro. Mais pour cela, il doit : sauter la femme, sauver la fille, tuer le méchant, trouver l’antidote. Un foisonnement.
A une époque, Palahniuk était plutôt fortiche dans l’exercice. Un bouquin comme Survivant reste une aventure assez scotchante dans le genre. Mais Grimes enfonce la porte, monte d’un étage et atteint un palier pas très éloigné de celui de Thomas Pynchon. Et on retrouve chez lui, tout ce que l’Amérique sait recycler de ses propres turpitudes, les tournant en dérision tout en disant haut et fort : « Hey, les gars, c’est notre style de vie ! ». Un univers dans lequel se télescopent déjà Les Simpsons, Michael Moore, Lenny Bruce et Southpark.
C’est l’analyse d’une poubelle dans laquelle, en assemblant correctement les déchets, on arrive, par le jeu d’une puissante alchimie, à produire une perle. En espérant seulement que cette prolixité délirante et magnifique aura un avenir, le potentiel de l’Amérique et de Tom Grimes semble en bonne voie.
PS : le roman est dédié à un certain Jody. S’agit-il de notre Jean Paul national, lui-même auteur d’un parfait Chères Toxines (Le Seuil – 2007) sur le monde merveilleux des médicaments (ici) ?
Mémoires sous médocs
Roman américain de Tom Grimes
Traduit de l’anglais par Patrice Carrer
Editions Fayard Noir – 2009
350 pages
Roman américain de Tom Grimes
Traduit de l’anglais par Patrice Carrer
Editions Fayard Noir – 2009
350 pages