DANS L’INTERET DES FAMILLES
le petit coup de stress d’Alfred Random


J’aime bien procéder comme ça. Je pars d’un exemple relativement éloigné de mon sujet et je tente comme je peux de revenir vers ma cible pour illustrer mon propos. C’est souvent très casse-gueule comme procédé et j’avoue humblement que ça n’est pas toujours très concluant. Mais bon, à priori, la rédaction ne m’a encore jamais refusé un papier, je ne vois donc pas pourquoi je changerais de technique argumentaire en si bon chemin.


            Prenez un type lambda qui vit de petits boulots pour apporter son lot financier à l’édifice familial, et boucle rarement les fins de mois sans risquer un découvert bancaire, donc des agios, donc une augmentation perpétuellement renouvelée de sa dette. Il va de soi que cet individu aura du mal, en septembre, à régler son impôt sur le revenu, en octobre à régler sa taxe d’habitation, comme il aura eu du mal en février et en mai à payer ses tiers provisionnels. Donc, au bout de la chaine, le pauvre bougre verra son budget non seulement grevé par les accidents bancaires, mais en plus, se trouvera contraint de payer des pénalités de retard au Ministère des Finance pour le paiement retardé de ses diverses taxes. 10% à chaque coup.
            Vous voyez le bonhomme en question ? Très bien. Affublons-le maintenant d’un travail mal reconnu par la société ou, à tout le moins, entendu comme un loisir et non comme une profession – même si bon nombre d’entre vous aimerait, soi-disant, être à sa place : écrivain.
            Commençons par démythifier ce prétendu hobby. Non, un écrivain ne vit pas de ses droits – à l’exception d’une marge extrêmement réduite de privilégiés – parce que les droits d’auteurs représentent au mieux 12% du prix hors taxe d’un livre vendu. Donc, quels que soient les litres de sueur qu’il ait laissé sur le papier, le nombre de signes qu’il ait écrit et la qualité des critiques qui ont été ou non émises après parution, sur un roman vendu 18 euros, prix public, un auteur percevra en moyenne la modique somme de 1,80 €. Vous me direz, quand on en vend 100 000, ça représente un pactole indiscutable. Et je répondrais que là, vous parlez d’un type qui n’a aucun retard dans le paiement de ses obligations. Donc, non, un écrivain ne vit pas de sa plume, c’est un métier de rat, il faut taper tous azimut et récolter le fruit de son travail bien loin parfois de l’endroit où l’on a planter la graine.
            D’où l’importance pour l’auteur, l’écrivain, le romancier de planter le maximum de graines. C’est-à-dire, ne pas se contenter de sa seule écriture, mais se porter volontaire dans tout un tas d’activités annexes ayant trait à l’écriture et tant qu’à faire rémunérées. Contrairement à une idée reçue, il y en a très peu. En fait, il n’y en a que deux : les rencontres et les ateliers d’écriture. Eliminons dores et déjà la rencontre en librairie qui ne rapporte pas un kopek – et c’est bien le moins puisque le but est de se montrer suffisamment avenant et prolixe durant une heure pour espérer vendre une demie douzaine de romans à l’issue de la discussion ; en dehors de ces hypothétiques ventes, votre venue n’est pas sujette à rémunération. Passons à la rencontre en milieu dit public, c’est-à-dire dans un lieu dépendant directement du Ministère de la Culture ou, en tout cas, dont une partie du budget de fonctionnement est fourni par celui-ci. A savoir : établissements scolaires, médiathèques, prisons.
            Des âmes sages ont pris sur leur temps et leur passion pour instaurer une charte. Le but était de mettre en place un paiement fixe pour l’activité d’un auteur en représentation dans les institutions publiques du territoire. Depuis ce saint jour que toute personne espérant pouvoir vivre de ses écritures ne saurait remettre en question, l’écrivain courtisé se voit donc obligatoirement rémunéré pour aller porter la bonne parole devant des enfants ébaubis, des adultes fascinés et des taulards en mal de dépaysement, soit un honorable public. Il sait que, grâce à la charte des auteurs, il récoltera un peu du fruit de son labeur et ce, un peu moins aléatoirement que la restitution des droits générés par la vente de ses livres. Le problème reste de savoir quand ces émoluments promis tomberont.
            Le mandat administratif. Voilà le véritable ennemi de l’écrivain qui ne vend pas assez de sa production pour prétendre en vivre et annoncer gaillardement à sa famille que ce week-end, on se barre à Gstaad profiter du chalet avant que la neige ne fonde. Le mandat administratif, cette saloperie est explicable en quelques mots. Vous vous pointez dans une école, une bibliothèque ou une prison, vous y passez un certain temps à raconter tout un tas de trucs pour lesquels vous êtes là, et à la fin, un peu embarrassé, vous tendez votre facture au préposé de l’établissement. De là, votre facture va transiter vers le département comptabilité de la commune où vous venez d’exercer votre activité. Qui la transformera en demande de paiement transféré à la Direction des Services Fiscaux de la région concernée. Soit, les impôts. A cet instant, on vous informe par mail que l’on a « déclenché le paiement ». Il vient de s’écouler trois semaines, mais l’auteur n’est pas au bout de ses peines. A partir de ce moment, les impôts procèdent à une demande de versement qui prendra la forme d’un virement sur le compte de l’auteur qui s’est présenté près d’un mois plus tôt sur son lieu de travail. Je parle ici d’un mois, mais il va de soi qu’il s’agit d’un temps, lui-même, administratif. C’est-à-dire de trente jours ouvrés. Il n’est donc pas rare pour un écrivain d’attendre deux bons mois avant de voir apparaître sur son compte les trois chiffres tant attendus. Trois chiffres !
            Il faut aussi savoir que le mandat administratif est utilisé pour le versement des aides à l’écriture et des paiements de résidences d’auteur. Le principe de l’un comme de l’autre est de bénéficier d’un salaire afin de permettre à l’artiste invité ou primé de consacrer un temps donné à sa création. Problème : comment se sentir soutenu financièrement quand la paye ne tombe qu’un mois et demi minimum après la fin de l’exercice. Qui paye les factures pendant de temps ?
            Voilà, la boucle est bouclée. Où ça ? Comment ? Vous n’avez rien suivi, c’est ça ? Ce sont les impôts qui payent les mandats administratifs. Et ce, selon un calendrier totalement aléatoire, perpétuellement retardé pour des raisons jamais justifiées. Vingt quatre heures de retard sur le paiement du tiers provisionnel de mai, c’est 10% de pénalité. Pourquoi un écrivain n’enverrait-il pas sa facture majorée de 10% au centre des impôts lorsque trente jours de retard sont avérés ? Ouais, j’avais prévenu, c’est casse-gueule comme démonstration. Mais oubliez la conclusion et revoyez la question à l’aune d’une tache professionnelle. Quand la paye ne tombe pas à l’heure dite pour d’obscures raisons, vous faites comment vous pour payer les 10% de majoration exigés par une entité qui ne respecte pas les délais qu’elle vous impose ?


 
Alfred Random
Reporter stagiaire au Petit Laboratoire des Potentialités Globales
depuis 2013

Y A CIMÈTRE !!!
La chronique sportive d’Oussaman Guevara


ON NOUS CACHE RIEN, ON NOUS DIT TOUT

            Vous allez me dire que j’ai vraiment une dent contre le football et je vais vous répondre : « Exact ! Mais y a de quoi ». Vous allez me dire qu’à la longue, ça devient gonflant et je vais vous répondre : « Tant pis, c’est comme ça ! ». Mais il faut bien avouer que ce sport, en dehors du temps d’antenne mirobolant qui lui est réservé, a de quoi saper le moral de toute personne convenablement constituée. Je ferais l’impasse sur les derniers développement de l’affaire Benzema, elle dit à peu près tout de l’état de dérébration généralisée qui court dans les rangs des équipes. Non, moi ce qui m’intéresse pour l’heure, c’est le nouveau stade de Bordeaux. 


            Figurez-vous que cette espèce de géante pissotière à gradins a été tout récemment baptisée. Je l’ai appris il y a un mois en me ridiculisant auprès d’une petite assemblée. Mal renseigné, je venais de proféré une énormité en prétendant que le stade voulu par Juppé au nord de sa ville allait porter le nom de Jacques Chaban-Delmas comme à peu près tous les nouveaux édifices qui voient actuellement le jour dans la capitale girondine. L’on me rétorque alors que je raconte n’importe quoi parce que ce haut lieu du football vient de recevoir pour nom, non pas celui d’un personnage local illustre, mais bel et bien celui d’une société d’assurance.
            Sitôt rentré chez moi, j’allume internet et constate incrédule que c’est tout à fait exact. Le nouveau stade de foot de Bordeaux s’appelle désormais : le stade Matmut Atlantique, et ce moyennant 2,9 millions d’euros par an. Je me dis alors que ce monde est définitivement extraordinaire. Même pas besoin d’être illustre et encore moins d’être mort, pour voir de son vivant un monument porter son nom ! Il suffit d’avoir juste 2,9 millions d’euros en poche et hop ! Tout cela me laisse songeur un temps jusqu’à ce qu’une nouvelle idée me percute.
            N’avons-nous pas là un excellent moyen de communication qui peut à l’envie outrepasser les lois sur la publicité ? Parce que, si je me souviens bien des rares moments où je me suis retrouvé face à un poste de télévision allumé sur un match de foot, les commentateurs nomment fréquemment le nom du stade où se déroule l’événement. Et pour ce que j’en sais, il est formellement interdit à ces commentateurs, comme aux présentateurs du journal télévisé, de prononcer le nom d’une marque sans quoi ils peuvent être accusé de faire de la publicité détournée. Alors j’en appelle à ceux d’entre vous qui suivent les matches des Girondins de Bordeaux : comment ils font ? Ils disent des trucs du genre : « Eh bien, nous en sommes aux arrêts de jeu, ici, au stade Matmut Atlantique de Bordeaux » ? Ou bien la régie a-t-elle prévu de placer un bip ! automatique à chaque fois que la marque est innocemment citée ?
            Et puis, je sais pas moi, mais personnellement, c’est en grande partie à cause de la Matmut que j’ai arrêté d’écouter France Inter. Entendre une fois toutes les heures les braiments de Chevalier et Laspales avait fini par me créer de redoutables prurits au niveau des coudes.
            Alors ça voudrait dire quoi ? Qu’avec un tel précédent, on va bientôt se retrouver avec des stades un peu partout sur le territoire qui s’appelleront Knorr, PSA Citroën ou Nestlé ? Oui, c’est ça ? Eh bien je vais vous dire : tant mieux ! Oui, tant mieux. Parce que pour en revenir au thème de mon précédent article, ça fera peut-être reculer les spectateurs. Payer une place dont les bénéfices vont directement dans la poche d’un agent d’assurance quand on débourse soit même 40 euros par mois pour être assuré, et devoir batailler avec ce même assureur pour toucher des indemnités dignes de ce nom après un sinistre, ça doit quand même pas mal coincer. Alors allez-y, baptisez tous nos stades, vous posez pas de questions financières. Ca finira toujours par être payant.


 
Oussaman Guevera
Expert au Petit Laboratoire des Potentialités Globales
Depuis 2007


PRESQUE…
Une chronique littéraire de Lise Poniatovski

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Ca aurait pu s’appeler « Presque » tant le projet de vie de Hubert Garden est approximatif. Lancé avec sa femme dans la construction d’une maison, il vit presque dedans, c’est à dire dans un mobile-home à coté des fondations. Chargé de sécurité dans une société de BTP, il est presque à sa place. Mais un incident de parcours l’envoie paitre dans un presque placard derrière la porte duquel, il va se lancer dans une vengeance qui elle, n’aura rien de tiède.
Bon, ça s’appelle « Travailler tue ! », ce qui est presque bien, mais pas tant que ça à bien y réfléchir. On voit derrière ce titre les décisions éditorialistes contre lesquelles un auteur ne peut pas grand chose, surtout quand son principal intérêt dans l’affaire est d’être publié vaille que vaille. Yvan Robin fait parti de cette tribu, alors on ne va pas commencer à lui tailler des croupières dont il n’est pas responsable. On ajoutera, juste en passant, des fois que son éditeur lise mes chroniques, qu’il paraissait inopportun d’en rajouter une couche avec le sous-titre « Roman pas policier mais presque… » mentionné sur la couverture. Mais bon, ne nous attardons pas, là n’est point le propos.
Parce que « Travailler tue ! » n’est pour autant pas un presque roman. Encore moins un presque roman policier. C’est un roman noir, M. Lajouanie – l’éditeur. Et si vous connaissiez un peu les règles du sous-genre, vous n’auriez pas commis cette erreur d’aiguillage. On est ici dans le roman noir, donc dans la peinture d’une société dont le malaise est représenté par un personnage central qui n’est pas forcément un policier, pas forcément un assassin, plutôt un quidam symbole de l’état de dégradation d’un corpus.
Le voilà, le rôle d’Hubert Garden. Il n’en sait encore rien, mais il est cet homme là. Et Yvan Robin s’en occupe très bien. Crise d’angoisse, incapacité à se révolter, passage à l’acte par débordement. Tout autour de ce type ramène le lecteur à un enfermement. On se croirait dans « Les visages écrasés » de Marin Ledun, mais ça n’est pas ça. Dans « Des clous » de Tatiana Arfel, mais non plus. Dans « Le couperet » de Donald Westlake, mais encore moins. On entre là dans un sous-genre de circonstance où chacun apporte sa pierre à l’édifice et celle de Robin n’est pas des moindre : le roman noir post crise de 2009. Celui qui met en scène l’enfer entrepreneurial. Celui qui prend pour héros des temps modernes l’inverse même du héros de roman policier à succès. Garden n’a même pas la rage, il est juste en colère et le temps qu’il pense sa colère, elle est déjà en route, avec les outils du quotidien. Hubert Garden était chargé de la sécurité de l’entreprise qui vient de la placardiser ? Pas de problème. Il va lui suffire d’inverser la tendance. Quand on maitrise la sécurité, on maitrise le drame. Si on lâche l’un, l’autre advient. Suffit, de temps à autre, de pousser un tout petit peu le sort pour que l’horreur arrive.
C’est là tout le bon sens de ce roman. Montrer, ou remontrer que l’entreprise ne fait jamais que donner à ses employés les armes pour la détruire. Il suffit juste de faire le contraire de ce qui est prescrit. De faux hasards en fausses visites surprises sur les chantiers, Hubert Garden va pourrir sa boite. Bien sûr, il laissera quelques collègues sur le carreau, mais ce sont là les dommages collatéraux classiques du roman noir. Et le soir venu, Hubert Garden reviendra sur son lopin de terre pour cultiver le jardin qu’il se prépare. Et dans ce jardin aussi, il y a de mauvaises herbes. Celles qu’on coupe inlassablement pour faire place nette, mais dont les rhizomes repoussent inlassablement.
Bref, pour résumer l’affaire, nous retrouvons là un auteur débarrassé de son écriture de jeunesse (Yvan Robin était l’auteur, en 2011, de la « Disgrâce des noyés »chez Baleine) et apte au service. Gageons que d’ici au troisième opus, il aura convaincu son éditeur de lui laisser les coudées franches sur le titre.

Lise Poniatovski

Secrétaire de rédaction au Petit Laboratoire des Potentialités Globale

depuis toujours – et qui attend toujours sa paye pour l’exercice 2015.

INDÉMNITÉS COMPENSATOIRES ET COMPENSATIONS INDÉMNISÉES

     Par Florence Laviande. 
  
Tiens, c’est marrant ça. Voilà que le Crédit Agricole se retrouve dans le collimateur de la justice américaine pour avoir continué à faire des affaires avec l’Iran malgré l’embargo. Et tiens, c’est marrant aussi, la Société Générale prévoit la destruction de 2000 postes dans ses agences en invoquant comme excuse liminaire la progression du numérique et l’habitude qu’ont pris ses clients de préférer les transactions bancaires par internet plutôt qu’au guichet. Personnellement, je n’y connais pas grand chose ni en droit international, ni en finance. Et j’avoue une flemme coupable d’aller me documenter avant de pondre mon papier. Donc, je propose d’analyser tout ça du haut de mes méconnaissances diverses et de voir ce que ça peut donner d’un point de vue purement primaire, comme ça, juste au bon sens.
Alors voyons. 



Après la BNP et la Société Générale – justement – il est reproché par les autorités de Wall Street au Crédit Agricole d’avoir procédé à des circulations d’argent avec l’Iran et le Soudan malgré l’embargo décrété au niveau international contre ces deux pays. On parle d’une amende d’un milliard d’euros, ce qui est bien moins important que ce que la BNP a du verser pour ses propres turpitudes – 8 milliards. Ok, on est d’accord, financièrement parlant, il n’est pas très sport de profiter d’un embargo honorablement respecté par tout le monde pour faire des coups en douce. Moralement, ça n’est guère défendable non plus, rien à dire là-dessus : traficoter avec des salopards qui maltraitent leur peuple, c’est à vomir. D’accord, ok.
 Seulement au bout du compte, les amendes record réclamées par les USA servent à quoi au juste ? Parce qu’en fait, on est bien d’accord qu’il s’agit là de peine destiné à compenser le manque à gagner sur un marché interdit par décret. Les Français ont fait des affaires là où ils n’avaient le droit d’en faire alors que les Américains, respectueux de l’embargo, s’empêchaient sagement de faire les mêmes affaires. Les Américains ont donc perdu beaucoup de fric que maintenant, ils comptent récupérer d’une manière ou d’une autre, le système d’amende à coups de milliards servant de reprise d’intérêts, sévères soit, mais ô combien profitable. C’est la loi du marché, rien à dire là-dessus. Honteusement pris la main dans la culotte de la voisine, les banquiers français sont beaux joueurs et s’acquittent des milliards qui leurs sont réclamés par les oies blanches de Wall Street, pour solde de tout compte. Dans un monde parfait où l’argent fait le bonheur et garantit une place au paradis à ceux qui en ont le plus, tout cela aurait un sens.
Mais alors comment se fait-il que du coté français – et plus largement, du coté européen – on ne produise pas le même type de procès à l’encontre de la si vertueuse finance américaine ? Comment se fait-il qu’on reste là comme des couillons à pleurer sur les milliards non perçu sur les bénéfices de leurs sociétés quand les grandes majors de l’Entertainment US telles que Apple, Amazon et consort, jouent de tous leurs pouvoirs pour installer leurs sièges en dehors de nos frontières fiscales et palpent un argent brut sur les profits faits dans nos contrées, avec nos salaires ? Comment se fait-il qu’il soit si difficile et si peu convenable d’aller réclamer aux Américains les milliards qu’ils nous doivent eux aussi au nom de l’impôt sur les sociétés ? Impôt qui est pourtant réclamé à toute les boites françaises, y  compris les auto-entreprises dont le plafond de bénéfices est limité à trente mille euros par an ?
Quoi ? Serait-ce là une question de fair-play ? Allons ! Nos dettes explosent, aussi bien du coté des USA que du notre. Eux trouveraient dans nos profits illicites le moyen de renflouer leurs pertes et nous serions incapable d’agir de même à leur encontre ? J’avoue que je ne comprends pas très bien. 


Ces derniers jours, on parle de 2000 départs à la retraite non remplacés à la Société Générale. L’an passé, c’était la BNP qui dégraissait. Au mois d’aout 2015, il y avait 3,5 millions de chômeurs indemnisés en France. Bizarre de voir deux banques françaises, incriminées dans des affaires avec l’Iran, verser des milliards de dollars, et virer juste après du personnel en prétextant l’air du temps, la modernisation des services et les nouveaux comportement de leurs clients. D’autant que pour l’heure, en ce qui concerne la Société Générale, l’amende réclamée par Wall Street n’est toujours pas chiffrée. Donc, on peut aisément penser que cette banque commence à provisionner dans l’attente d’un hiver triste et froid. Donc on peut s’attendre à ce que le Crédit Agricole propose sous peu à ses employés des départs anticipés à la retraite et s’allège ainsi de sa masse salariale afin de compenser le milliard qu’elle s’apprête à perdre au profit des gendarmes de Wall Street. Et bien entendu, lorsque ces décisions seront annoncées, on les assortira du même prétexte fallacieux dont use aujourd’hui la Société Générale : nos clients vont moins dans nos agences à cause d’internet, il y a donc moins besoin de personnel.
A ces gens-là, il faudrait peut-être demander une chose : partant du principe qu’on ne peut pas déposer un chèque ailleurs que dans vos agences bancaires, que pour discuter d’un prêt on doit passer par vos agences bancaires, que pour nous vendre toutes vos saloperies de produits qui ne servent à rien d’autre qu’à nous pomper du fric vous avez besoin d’avoir des agences bancaires ne serait-ce que pour récolter notre signature au bas de vos contrats piégés, que pour retirer de l’argent liquide il est nécessaire d’avoir accès à un guichet de la banque où notre compte est résident sans quoi ces retraits sont payants, qu’il est faux de prétendre qu’une majorité des français préfère communiquer avec sa banque par internet alors que tout le monde s’accorde à dire qu’un écran ne remplacera jamais la proximité d’une agence bancaire… Bref une fois ceci entendu, à quelle heure exactement allez-vous arrêter de vous foutre de notre gueule ? A quelle heure allez-vous réellement assumer que oui, vous avez mis votre main dans la culotte des iraniens alors que c’était verbotten, et que les milliards que vous avez lâché pour effacer l’ardoise, c’est sur l’État français que vous aller les récupérer en jetant à la rue vos employés qui iront engraisser la dette de l’Unedic ? En gros, c’est quand qu’on vous arrache la chemise ?
Bon, moi, je dis ça, hein, en même temps, j’y connais que dalle en finance.










Florence Laviande
Reporter de guerre au Petit Laboratoire des Potentialités Globales
Depuis 2010

PORN DAY AFTERNOON – Chronique d’une fièvre

par Jackson Norriega


Ça commence par un thermomètre qui, en sortant de ma bouche, indique 38,6°. A peine étonnant : j’ai mal au crâne et je sors d’un rêve étrange où ma mère me dévoilait un secret de famille tout en grignotant les intestins d’un type qui gisait là, le bide ouvert, sur la table du salon – je crois que le cadavre était celui de mon prof de maths de 6ème E; par contre je ne me souviens plus du secret de famille dont il était question, je sais juste que vers la fin, ma mère commençait à se déshabiller en chantonnant « Mon fils, ma bataille » de Daniel Balavoine, mais ça j’en parlerais à mon psy mercredi.
Je sais plus combien il faut ajouter de degrés par rapport à la température rectale, alors j’allume mon ordinateur et je tape dans google : « température + buccale + rectale ». Le nombre d’entrées à caractères pornographiques que me propose le moteur de recherche est hallucinant, et comme je n’ai toujours pas débugué la fonction de blocage des messages viraux, voilà mon écran bombardé de publicités pour des sites de cul. Bref, à la page 24, je trouve enfin un lien vers un portail médical qui m’informe que je peux rajouter 0,4° entre ma bouche et mon derrière.
Ca me fait 39°!
Paniqué, j’avale quatre cachets d’Aspirine du Rhône et j’appelle immédiatement la rédaction du Laboratoire pour les prévenir que je ne pourrais pas me présenter aujourd’hui. Une fois le téléphone raccroché, je me demande pendant trente bonnes secondes ce que je vais bien pouvoir foutre de ma journée, et la première chose que je décide, c’est de ne pas me laver. Voilà. J’ai sué comme un porc pendant que je rêvais de ma mère, mais tant pis. Après tout, je vais passer la journée seul avec moi-même, alors les contingences sociales, pardonnez-moi, mais pour une fois, hein ? Même pas les dents. 
Décision n°2 : un café. 
Décision n°3 : prendre des nouvelles de mes 1456 amis sur Facebook. 
Hop ! Bof ! Derechef ! J’ouvre ma page et je consulte les deux notifications qu’on m’a laissé concernant un bon mot que j’ai posté la veille sur l’invasion nocive des lolcats. Pendant l’heure qui suit, je regarde toutes les conneries politico-animalières du fil d’actualité en m’attardant uniquement sur les articles qui sont accompagnés soit d’une photo, soit d’une vidéo et dont le texte tient intégralement dans la case visible – je déteste quand il faut cliquer sur « lire la suite ». C’est con, parce qu'y a des trucs qui semblent intéressant, mais j’ai la flemme, de la fièvre, je sais que je vais rien faire d’autre de ma journée que de glander sur internet, alors je vais pas en plus m’emmerder à lire les trucs trop longs. Jusqu’à ce que je tombe sur un post qui renvoie à un lien qui ouvre sur un site qui titre : « Merci qui ? Merci Jacquie & Michel ! Vraiment ? ». L’auteur du post précise dans son chapeau qu’il s’agit d’une enquête sur le plus gros site de cul amateur de la toile, que ça dénonce pas mal de dérives, avec témoignages d’actrices et tutti quanti.
Whoua ! Ce m’intéresse.
Je clique et je commence à dévorer l’article. C’est vrai que ça balance. Les conditions des filles, les tournages à la chaine, le système Jacquie & Michel avec ses extraits vidéo de 7 minutes maxi que si tu veux continuer à te branler, faut que tu sortes ta carte bleue, etc. Mais alors là, je sais pas vraiment ce qui me prend – et sur le coup, j’espère juste que c’est la fièvre, et pas le rêve avec ma mère – toujours est-il qu'avant même d’avoir fini de lire, je suis déjà sur le site de Jacquie & Michel, et je regarde toutes ces vignettes, avec tous ces seins, tous ces sexes rasés, tous ces mecs à vingt deux sur la même nana, des jeunes, des vieux, des grosses, des maigres, parfois même des types déguisés en animaux ou en cow-boy… Enfin bon, je suis vachement tenté, mais je sais pas quoi choisir et moi, le choix, désolé, mais ça me coupe tous mes effets. Du coup, je repars sur l’article que j’ai pas fini en me disant que ça va surement me calmer un peu de savoir que pour la scène de la fille avec 22 gars, ça a duré 5 heures et que la pauvre actrice a vraiment compris le sens de l’expression « Je vais te casser tes petites pattes arrières ». Bingo ! Quand je quitte le site, je suis bien dégouté. De Jacquie & Michel en tout cas. Parce qu’aussitôt, je débarque sur YouPorn

Alors sur YouPorn, c’est pas compliqué, question choix, c’est comme quand vous prenez l’option buffet chez Pizza Paï. Y en a partout, à volonté, pour tous les gouts, et c’est gratos. Donc, c’est trop. Ça m’angoisse. Je ferme la page et je passe sur Tukif. Là, c’est plus Pizza Paï, c’est carrément le rayon visserie et boulons de Leroy Merlin. Enfin, merde, y a pas un site qui propose juste une dizaine de vidéos tranquilles pour les type comme moi, qui ont peu d’exigences – pas de seins siliconés, plutôt des blondes mais pas teintes, pas d’épilation intégrale, plutôt deux filles et un mec, que deux mecs et une fille, pas en plein air, plutôt cool que gonzo, etc. Au bout du compte, je me dis : Ok ! On va faire ça en bon père de famille. Je reviens sur google et je tape « films porno torrent »
Et là, c’est l’avalanche. 
« Environ 1.560.000 résultats ». Je regarde l’heure : 11:29.
En temps normal, je ne bois jamais avant midi. C’est comme ça qu’on reste un consommateur occasionnel. Seulement voilà, j’ai fini ma tablette de Xanax avant-hier. Je m’accorde donc une petite 8.6 que j’ai conservé en cas de coups durs et je la sirote en parcourant les pages de google pour trouver au moins un truc à me mettre sous la dent. Le problème, c’est qu’avec toute l’aspirine que j’ai prise deux heures plus tôt, mon sang est hyper fluide. Et les huit degrés six de la bière s’enquillent dans mon système à la vitesse d’un cheval au galop – comme on dit de la marée haute au Mont St Michel. Résultats des courses, quand je rouvre les yeux, il est quatre heures de l’après midi, j’ai mon pantalon de pyjamas sur les chevilles et mon ordinateur portable qui m’ébouillante les cuisses – j’ai volontairement déréglé la ventilation parce que ça faisait trop de bruit.
Je me lève pour aller me passer de l’eau fraiche sur le visage, me tartiner les jambes de Biafine, le miroir me renvoie l’image d’un pauvre type aux aboies, j’ai un peu honte de ma condition, je tâte mon front, mais comme ma main est chaude, je n’arrive pas à déterminer si j’ai ou non encore de la fièvre. J’avale quatre nouvelles Aspirines du Rhône et je reprends mon ordinateur portable. 
Sur Facebook, les nouveaux post se sont accumulés, alors je potasse jusqu’à tomber sur une énième compilation de lolcats, puis une énième compilation des meilleurs vidéos d’alcooliques russes, puis une énième compilation de pseudo cascadeurs américains, puis une énième compilation de sportifs qui se cassent la gueule.


C’est une faim douloureuse qui finit par me tirer de ma contemplation. Dehors, il fait nuit, dedans il fait seize degrés, dans mon intérieur, la température est revenue à la normale. Il est 23:42. Au moins, je suis guéri.
Debout dans ma cuisine, j’ingurgite les restes froids d’une pizza océane qui vieillit dans mon frigo depuis une semaine et demie. 
A 3:23, je suis agenouillé au-dessus de mes chiottes et je dégobille des bouts de saumon et de palourdes. 
A 7:32, le toubib de SOS Médecin détache de mon bras le bracelet de son tensiomètre, m’annonce que je souffre d’une intoxication alimentaire et me réclame 75 €. 
A 8:00, j’appelle la rédaction du Laboratoire pour leur dire que je suis toujours malade. 
A 8:04, je rallume mon ordinateur.

 Jackson Norriega
photographe pour le Petit Laboratoire des Potentialités Globales
depuis 2007



Y A CIMÈTRE !!!
La chronique sport d'Oussaman Guévara


POUR UN FOOT INTELLECTUEL...

Non, décidément non, le football n’est pas un sport correct, n’est pas le symbole d’une bonne organisation sociétale, n’est pas humainement défendable, ne devrait pas être diffusé à une heure de grande écoute, n’est surtout pas un exemple pour les enfants.
Je passerais sur l’horreur économique jetée en pâture à tous les spectateurs smicards de ce jeu nauséabond, l’état déplorable du cerveau des footballeurs professionnels qu’on porte au pinacle à longueur de saison, les terrifiantes révélations de corruption quasi généralisée des instances internationales, la gabegie des compétitions, etc.
Et j’en viendrais directement au cœur du problème et à sa solution.
Car faire en sorte que le foot s’autodétruise est à la portée du premier couillon venu. Et vu qu’en tant que couillon, je me place là, voilà comment je vois les choses :


A l’exception de la règle du hors jeu – qui reste suffisamment absconse pour qu’on prête à ce sport une noblesse présupposée – les lois qui régissent une partie de football sont d’une simplicité abrutissante : choper le ballon à l’adversaire, courir vers les limites du camp adverse et marquer un but en ayant fait sur le parcours aussi peu de passes que possible afin que toute la gloire revienne à celui qui met la balle au fond des filets. Alors, bien évidemment, pour complexifier un peu l’affaire, on a aussi érigé le droit à la fausse blessure entrainant le coup franc, et la fin de partie aux pénaltys pour départager les équipes exæquo. Tout ça sous les vociférations onanistes d’un public chauffé à blanc par les enjeux du moment. Autant dire que le football tient en très peu de choses, d’où le succès immarcescible de cette pratique.

Depuis la catastrophe du Heysel en 1985 et ses 39 morts qui n’ont pas empêché le bon déroulement du match de finale de Coupe d’Europe opposant la Juventus de Turin au Liverpool Football Club – Platini jouant avec ses potes alors que les ambulances embarquent les morts et les blessés à dix mètres du terrain – j’ai bien réfléchi à la meilleure manière de phagocyter ce sport afin de l’affaiblir au point d’en faire le truc le moins intéressant du monde.
Et pour ça, quoi de plus simple que de le rendre… intellectuellement complexe ?
Après tout, si l’on considère, comme moi, que le foot est le sport le plus stupide que l’homme ait jamais inventé, le meilleur moyen de le détruire, c’est d’en appeler à l’intelligence de ceux qui le font.

Donc, quand je serais devenu Président de la FIFA, je m’empresserais de changer les règles du football, et de les remplacer par celles-ci :

Durée de la partie : 15 minutes, réparties en 5 mi-temps de 3 minutes chacune.
Nombre de joueurs par équipe : 22, dont un goal volant.
Objectif : marquer le maximum de buts contre son camp après avoir tenté au moins deux fois de mettre le ballon dans les filets de l’équipe adverses. Chaque but chez l’équipe opposée donne droit à huit tentatives d’affilées contre sa propre équipe.
Transmission du ballon : un joueur ne peut toucher la balle que deux fois en une minute et uniquement avec son pied faible. La circulation du ballon est ainsi obligatoire et nécessite la bonne entente et le gout du partage de l’équipe dans sa totalité.
Décompte des scores : chaque but compte pour 3,5 points. Le joueur qui marque un but est immédiatement pénalisé et doit se rendre sur le banc de touche sur lequel il restera jusqu’à la fin de la mi-temps en cour.
Arbitrage : étend donné la complexité du jeu et le nombre de tentatives de triche à surveiller, une partie est arbitrée par dix préposés équipés de cornes de brumes et de mégaphones.
Compétition : les équipes gagnantes sont instantanément éliminées de la compétition dans laquelle elles sont engagées. Seuls les perdants se voient autorisés à monter sur le podium final. Le cycle des rencontres dure 365 jours par an, une équipe pouvant disputer jusqu’à six matches maximum par jour et ce sur plusieurs continents.
Rétributions des joueurs : les joueurs ne sont ni rétribués pour les matches qu'ils disputent, ni défrayés pour leur déplacements. Il leur est de plus demandé de s’acquitter d’un droit de jouer équivalant à leur indice de masse corporelle (IMC), ce afin que les équipes soient majoritairement formées d’amateurs souffreteux incapables de tenir physiquement une saison complète.
Professionnalisation : ni les joueurs, ni les arbitres, ni les entraineurs ne sont professionnels. Seul le public est rémunéré pour venir assister au match et ce, selon une répartition au quotient familial.

D’après mes calculs au boulier chinois et une simulation au doigt mouillé, avec un tel règlement drastique, le football aura totalement disparu d’ici au Mondial de Foot du Qatar en 2022, ce qui permettra de faire un paquet d’économies aussi bien financière qu’humaine.










Oussaman Guevara
Expert au Petit Laboratoire des Potentialités Globales
depuis 2017

 

VISION BÉOTIENNE DE L'EFFET DOPPLER


Je m’en souviens très bien, elle s’appelait Mlle Doppler, c’était ma prof d’économie de seconde, elle était toute jeune, mais vu comment elle était moche et pas douée pour enseigner, non seulement elle allait finir vieille fille, mais en plus, y a des chances pour qu’elle ait arrêté sa carrière pus tôt que prévu. Doppler, comme l’effet Doppler, cette théorie qui explique, je sais plus comment, que le bruit d’une voiture passe de l’aigue au grave en s’éloignant. Tout ça pour dire que j’ai toujours été nulle en économie et que ça m’est resté. Quand j’entends parler un économiste, ça me rentre dans une oreille avec un son aigu et ça ressort par l’autre avec un son grave. Entre les deux, j’ai pas retenu grand chose.
Donc, les questions que je m’apprête à poser vont sans doute vous paraitre complétement connes et vous allez certainement beaucoup rire de moi, ce qui ne me gène pas du tout, vu que je n’ai ni égo, ni amour propre et que je cultive une certaine autodétestation qui me permet de survivre dans ce monde atroce. Passons.




Au départ, pour écrire ce papier, j’ai fait des recherches sur internet pour déterminer le nombre exact des destructions d’emplois sur la seule année 2015. C’était ça mon sujet : dresser une liste des licenciements par ville, par département, par région. Seulement voilà… Les lecteurs n’aiment pas les listes. Et j’ai découvert que celle que je m’apprêtais à dresser risquait de faire fuir les plus patients d’entre vous. Même en sélectionnant les entreprises qui avaient foutu dehors plus de 50 employés, je m’en sortais pas. Du coup, je suis allée au plus simple : un article de Libération datant du mois de mars, comptabilisant 74 000 suppressions de poste pour la seule année 2014.
Voilà, j’ai mon chiffre, je peux donc poser mes questions débiles.
Si l’on prend ces 74 000 comme une sorte de donnée tendancielle – il y a des chances pour qu’on arrive peu ou proue à la même chose pour 2015, vu les récentes annonces d’Air France et autres bandits notoires – on se demande une chose : à quoi peut bien servir le fait d’apprendre encore un métier ?
Comment ne pas trouver étrange qu’un gouvernement lance un vaste plan de surveillance des chômeurs suspectés de passer leurs journées à glander devant la télé plutôt que d’envoyer des CV partout, alors même qu’il y a de moins en moins de travail et de plus en plus de licenciements ? Comment se fait-il que chaque année, au moment de la rentrée universitaire, on nous reparle de la mauvaise orientation des étudiants qui donne lieu à tant d’échecs, alors que bien conseillés, les jeunes bacheliers pourraient aller dans des filières dites « à débouchés » ? Et puis, pourquoi nous parle-t-on tant de cette fameuse fléxi-mobilité qui serait soi-disant le maître-mot du succès professionnel et de la baisse du chômage, alors même que pour vivre décemment, pour se mettre un toit au-dessus de la tête, pour pouvoir payer des traites et nourrir sa famille – donc de faire fonctionner l’économie – un être humain doit pouvoir se fixer quelque part et compter un tout petit peu sur son avenir ? En gros, elle sert à quoi cette culpabilisation de la société sur l’emploi alors que de l’emploi, il y en a de moins en moins, qu’il est totalement dévalué et ne sert plus que de variable d’ajustement  et de promesses électorales ? Au bout du compte, quand tout le monde sera aux minimas sociaux et que les régions ne pourront plus payer les minimas sociaux, que deviendra le grand capital ? Qui ira encore chez Auchan, Carrefour ou même Lidl pour faire ses courses ? Qui achètera encore des bagnoles ? Quelques inconscients qui se rendront compte au bout d’un mois qu’ils n’ont rien pour payer l’assurance et le gasoil ?
Je n’ai pas de réponse à ces questions parce que, je le répète, j’étais nulle en économie, et Mlle Doppler n’y était sans doute pour rien. En physique non plus, je ne brillais pas. Pourtant, l’effet Doppler, ça m’a marqué – en tant qu’image métaphorique en tout cas.


L’effet Doppler, c’est ça. Une ambulance qui débarque sur un boulevard engorgé. Chacun dans sa voiture, on entend sa sirène venir de loin, aigüe. Lorsqu’elle passe à coté de nous, ça hurle et on se rassure en se disant : « T’en fais pas, mon vieux, c’est pas toi qu’est là-dedans ! ». Et puis, l’ambulance s’éloigne, et le son qu’elle déplace derrière elle devient plus grave avant que de disparaître. Alors, on oublie, parce que c’est encore ce qu’il y a de plus simple à faire. Mais, les questions restent. Des questions auxquelles, le soir venu, des experts en économie nous apportent la réponse, au journal de 20H. Des stats, des courbes, des vrais ou faux, commentés par des crânes d’œufs qui constatent comme nous que tout ça n’a aucun sens. Mais qu’il est tout à fait condamnable de violenter la chemise d’un dirigeant qui vient d’annoncer à 3000 personnes que bientôt, ils auront tout le temps de réfléchir au sens de la vie.










Bernadette Kich
Comptable au Petit Laboratoire des Potentialités Globales
depuis 2007