ON NOUS CACHE RIEN, ON NOUS
DIT TOUT
Vous
allez me dire que j’ai vraiment une dent contre le football et je vais vous
répondre : « Exact ! Mais y a de quoi ». Vous allez me dire
qu’à la longue, ça devient gonflant et je vais vous répondre : « Tant
pis, c’est comme ça ! ». Mais il faut bien avouer que ce sport, en
dehors du temps d’antenne mirobolant qui lui est réservé, a de quoi saper le
moral de toute personne convenablement constituée. Je ferais l’impasse sur les
derniers développement de l’affaire Benzema, elle dit à peu près tout de l’état
de dérébration généralisée qui court dans les rangs des équipes. Non, moi ce
qui m’intéresse pour l’heure, c’est le nouveau stade de Bordeaux.
Figurez-vous
que cette espèce de géante pissotière à gradins a été tout récemment baptisée.
Je l’ai appris il y a un mois en me ridiculisant auprès d’une petite assemblée.
Mal renseigné, je venais de proféré une énormité en prétendant que le stade
voulu par Juppé au nord de sa ville allait porter le nom de Jacques
Chaban-Delmas comme à peu près tous les nouveaux édifices qui voient
actuellement le jour dans la capitale girondine. L’on me rétorque alors que je
raconte n’importe quoi parce que ce haut lieu du football vient de recevoir
pour nom, non pas celui d’un personnage local illustre, mais bel et bien celui
d’une société d’assurance.
Sitôt
rentré chez moi, j’allume internet et constate incrédule que c’est tout à fait
exact. Le nouveau stade de foot de Bordeaux s’appelle désormais : le stade
Matmut Atlantique, et ce moyennant 2,9 millions d’euros par an. Je me dis alors
que ce monde est définitivement extraordinaire. Même pas besoin d’être illustre
et encore moins d’être mort, pour voir de son vivant un monument porter son
nom ! Il suffit d’avoir juste 2,9 millions d’euros en poche et hop !
Tout cela me laisse songeur un temps jusqu’à ce qu’une nouvelle idée me
percute.
N’avons-nous
pas là un excellent moyen de communication qui peut à l’envie outrepasser les
lois sur la publicité ? Parce que, si je me souviens bien des rares
moments où je me suis retrouvé face à un poste de télévision allumé sur un
match de foot, les commentateurs nomment fréquemment le nom du stade où se
déroule l’événement. Et pour ce que j’en sais, il est formellement interdit à
ces commentateurs, comme aux présentateurs du journal télévisé, de prononcer le
nom d’une marque sans quoi ils peuvent être accusé de faire de la publicité
détournée. Alors j’en appelle à ceux d’entre vous qui suivent les matches des
Girondins de Bordeaux : comment ils font ? Ils disent des trucs du
genre : « Eh bien, nous en sommes aux arrêts de jeu, ici, au stade
Matmut Atlantique de Bordeaux » ? Ou bien la régie a-t-elle prévu de
placer un bip ! automatique à chaque fois que la marque est innocemment
citée ?
Et
puis, je sais pas moi, mais personnellement, c’est en grande partie à cause de
la Matmut que j’ai arrêté d’écouter France Inter. Entendre une fois toutes les
heures les braiments de Chevalier et Laspales avait fini par me créer de
redoutables prurits au niveau des coudes.
Alors
ça voudrait dire quoi ? Qu’avec un tel précédent, on va bientôt se
retrouver avec des stades un peu partout sur le territoire qui s’appelleront
Knorr, PSA Citroën ou Nestlé ? Oui, c’est ça ? Eh bien je vais vous
dire : tant mieux ! Oui, tant mieux. Parce que pour en revenir au
thème de mon précédent article, ça fera peut-être reculer les spectateurs.
Payer une place dont les bénéfices vont directement dans la poche d’un agent d’assurance
quand on débourse soit même 40 euros par mois pour être assuré, et devoir
batailler avec ce même assureur pour toucher des indemnités dignes de ce nom
après un sinistre, ça doit quand même pas mal coincer. Alors allez-y, baptisez
tous nos stades, vous posez pas de questions financières. Ca finira toujours
par être payant.
Oussaman Guevera
Expert au Petit Laboratoire des Potentialités
Globales
Depuis 2007