Le graphomane Slocombe nous assène la lettre d’une crevure comme il les affectionne et signe là l’un de ses romans les plus aboutis.
En ce mois de septembre 42, Paul-Jean Husson écrit une longue lettre dans laquelle il va révéler un terrible secret (comme on dit dans les pubs radio à la gloire du dernier best-seller de Douglas Kennedy). Paul-Jean Husson est, comme il se définit lui-même, homme de lettres et Académicien. Cette confession, il l’adresse à un homme que par dessus tout il vénère : le Commandant Schöllehammer de la Kreiskommandantur d’Andigny, dans l’Eure. Car Paul-Jean Husson est pétainiste, il a placé lui aussi tous ces espoir dans la victoire de l’Allemagne et son avenir dépend de cette lettre et de ce qu’elle contient.
Les éditions NiL ont créé une collection appelée « Les Affranchis » pour laquelle elles invitent régulièrement des auteurs à se prêter au jeu du roman épistolaire. Le graphomane Slocombe a évidemment répondu présent et choisi de nous embarquer du coté des collabos lettrés période parisienne 1942. Avec son Paul-Jean Husson tricorné qui goute quotidiennement aux douceurs du café de Flore et se plait à dégoiser sur la vermine juive avec ses amis de chez Gallimard, il nous invite à la pitoyable confession d’un pétainiste pure jus.
Les portraits de cette époque sont légions, on ne connaît que trop bien les proses puantes de Rebatet, Drieu LaRochelle, Celine et consort. Romain Slocombe, on le sait désormais, est un documentaliste expert, apte à intégrer la petite histoire dans la grande sans que l’insert paraisse improbable. Monsieur le Commandant est donc dans la droite lignée de ses romans précédents, mais avec ce quelque chose en plus qui habite son récit. Ce Husson est d’une réalité palpable. En prenant un soin particulier à compléter son histoire de diverses entrées référentielles (note de l’éditeur, postface, etc), Slocombe nous livre ici un faux document historique auquel on ne peut que prêter crédit.
Haletante, tendue, cette lettre avance comme un feuilleton, empilant les intrigues et Slocombe atteint là, sans doute, un sommet dans son écriture qui lui a valu de figurer dans la première liste des goncourables. Mérité.
Monsieur le Commandant
Roman français de Romain Slocombe
NiL – 2011 – 256 pages