Potentiel de la cloueuse pneumatique
Le Poulpe : Lâches déraisons
de Nick Gardel


Le Poulpe n°275 renoue avec la tradition du genre : social et régional. Mais même dans ses carcans originels, Gabriel Lecouvreur tombe entre les mains d’un auteur plutôt solide.

Edgar Ziegler vient de se percer l’occiput à la cloueuse pneumatique alors même que sa maison recèle d’une impressionnante collection d’armes à feu. Etrange situation à laquelle Gabriel Lecouvreur est convié pour comprendre ce qui a poussé ce type a autant d’excentricité morbide. Ses deux fils sont immédiatement dans le collimateur du Poulpe. Violents, les deux petits bandits ont déjà une belle réputation dans leur banlieue de Colmar. L’occasion pour le céphalopode d’aller déployer ses antennes dans cette région où, un peu mieux que partout ailleurs, la misère ronge inexorablement.

Avec Le Poulpe et ses auteurs, on n’est jamais à l’abris d’une surprise. Celle que Nick Gardel nous réserve tient d’abord dans le style de l’auteur. La plume est fleurie à souhait, les tournures humoristiques sous jacentes presque audiardesque, parfois le dialogue est un peu long et prime presque trop sur l’action. Mais l’ensemble a de la tenue.

Et puis, on en revient à ce qui fabrique Le Poulpe depuis sa naissance. Le traitement sociétal. Et pour ça, Gardel en a sous la pédale. La visite de la région alsacienne recèle de bien des drames, historiques et actuels. L’industrialisation périclitée, la masse chômeuse, la jeunesse à l’abandon, le HLM en guise de ligne d’horizon et les services sociaux débordés parce que lâchés par les autorités locales, tout y passe. L’importance du roman ne passe pas par son intrigue, enquête au long court quel que peu trouble, mais par son décryptage d’un état de fait. On en revient à la théorie de l’œuf et de la poule, qui du monde ou de l’homme à déclenché la violence.

Ce n°275 est donc un excellent cru, court mais complet et partant toujours d’un précepte normatif : à Paris, Gabriel Lecouvreur se fait chier, il est donc temps d’aller voir ailleurs.

Le Poulpe : Lâches déraisons

Roman français de Nick Gardel

Baleine – 156 pages – 2011