Potentiel du stock de cartouches
L’homme de fer
de Jim Thompson


Au Labo, on a longtemps cru que Jim Thompson était le créateur de L’Homme de fer, la série policière néo-statique avec Raymond Burr et un fauteuil roulant de marque Topaz. Et bien, comme on l’a découvert cet été, on s’était complètement gouré : au lieu d’admirer la couverture, il fallait lire son dos. Et accessoirement l’intérieur.

Tout condamné qu’il soit à son fauteuil roulant où une balle mal ajustée l’a cloué il y a plusieurs années, Robert Dacier, atrabilaire mais talentueux commissaire de la police de San Francisco, se retrouve au centre d’une affaire copieusement complexe. Mark Sanger, son fidèle compagnon, est accusé d’avoir tué un homme à la seule force des ses poings. Or, Mark est un ancien champion de boxe et tout concourt à croire qu’il a usé de sa force volontairement pour terrasser cet homme qui venait de l’agresser. Heureusement, l’équipe d’enquêteurs de Dacier est plus que jamais soudée pour dénicher la vérité, quel qu’en soit le prix.

Donc, que les choses soient claires tout de suite : il existe dans notre entourage des personnes à qui nous avons involontairement raconté des âneries et c’est en priorité à elles que nous présentons des excuses. Non, Jim Thompson n’a pas créé L’homme de fer. Voilà. L’erreur vient du fait que nous avons, il y a quelques années, massivement investi dans les œuvres complètes de Thompson et que nous les lisons une par une, parcimonieusement, de temps en temps parce que le stock n’est pas inépuisable et qu’il ne nous reste plus que quelques cartouches. Et il y avait cet Homme de fer avec la gueule de Raymond Burr sur la couverture d’époque de chez Rivages/Noir. On en a vite déduis, sans même jeter un œil à la 4ème, que le maître avait fait naître Bob Ironside, qu’il en avait vendu les droits à la télé et qu’il s’était retrouvé à la tête d’un succès international. Bon, soit, il n’est nullement fait mention de ceci dans les deux autobiographies que nous avons lu, mais après tout qu’importe : aux innocents les mains pleines.

Non, la vérité est bien plus prosaïque : sur le thème de « faut bien crouter avec ce qu’on a », Thompson, qui a toujours plus ou moins avalé sa ration de vache enragée, pond en 1967 une novélisation d’un épisode de L’homme de fer pour les éditions de la chaine MCA, diffuseurs du feuilleton. Voilà.

La question est de savoir si ça a un quelconque intérêt. Pas forcément ou alors totalement : malgré ce que prétend la 4ème, Thompson se perd derrière le poids mort du personnage et l’histoire convenue. N’étant maître ni de l’un ni de l’autre, on perçoit une certaine docilité pour le commanditaire et beaucoup d’égard pour la classification des protagonistes dans les deux cases bien et mal. Quand on sait quel genre d’inextricable purée Thompson pouvait fabriquer avec ces deux concepts solidement implantés dans le cortex de tout américain, on comprend ce que cet exercice a d’alimentaire. Alors on peut considérer qu’il est important de le lire.

L’homme de fer

Roman américain de Jim Thompson

Traduit de l’anglais (USA) par Thierry Marignac

Rivage/noir – 1994 – 192 pages