Potentiel du concours de la revue la plus spé(cialisée) …
Schnock


Alors que chaque mois paraît un nombre impossible de périodiques plus ou moins jetables et que tous ces rédacteurs semblent peu se soucier de leurs potentiels de vente, voici que surgit en juillet, Schnock, la revue des Vieux de 27 à 87 ans, avec Jean Pierre Marielle en couverture. Vendeur et succès.

Bon, disons les choses telles qu’elles sont, Schnock, dans sa catégorie de revue construite autour d’une thématique extrêmement serrée, fait mouche à presque chaque article. Le principe est simple : il est mondialement reconnu que la France est une contrée peuplée de fins praticiens de la râlerie. Oui, nous sommes de solides bouffeurs ; oui, nous sommes des artistes ; oui, nous savons transformer le raisin en pinard de haute volée et, oui, nous avons eu De Gaulle et de Villepin, mais au-delà de tout, nous sommes d’exceptionnels râleurs.

Râleurs arqueboutés sur des valeurs dont certains aiment à dire qu’elles sont largement dépassées, donc râleurs féroces. Des Schnocks. Ces Schnocks, n’en déplaisent à bien des branchés, sont une partie constituante de l’identité française donc ils ont désormais leur revue, comme dans les années 70, les hommes à rouflaquettes et costume de velours avaient leur Lui mensuel.

Schnock est avant tout un ouvroir. Mené tambour battant par le talentueux Christophe Ernault, auteur de roman et fondateur du groupe Alister, cette… chose à couverture orange et Marielle en posture fiérote réussi une belle prestation. Elle est évidemment drôle. Le dossier sur l’acteur le plus représentatif de la râlerie conservatrice un rien anar de droite est un bijou de précision médicale : tout y est dépiauté, de la filmo du grand Jean-Pierre à l’analyse à postériori de son œuvre au long d’un entretien magnifique d’humour vachard. Viennent ensuite plusieurs entrées dont un autre grand dossier sur une autre figure de cette France qui résiste à la morose modernité: « Comment j’ai raté mon interview d’Eddy Mitchell ». On trouve en vrac un papier sur Stéphane Collaro, Pif Gadget, Cizia Zike, Claude Puterflam, Kouchner à l’époque d’Actuel… Bref, une sorte de bottin antimondain copieusement torché à quelques exceptions anecdotiques prés.

Alors comme pour chaque revue se pose le problème de la suite. Visiblement, Schnock est un semestriel, mais l’équipe d’Ernault a-t-elle dores et déjà bousillé son été à penser le sommaire de janvier? Non, parce que plus une revue est spécialisée, plus par définition elle restreint le champ des possibles. Et pour arriver au niveau de cet excellent n°1, il doit falloir salement se curer le cortex. Bon courage.

Schnock

Revue semestrielle – N°1

La Tengo Editions – juillet 201 – 176 pages