Potentiel du nudisme en milieu hostile
Colère du présent
de Jean-Bernard Pouy


Le Salon International du Livre d’Expression Populaire et de Critique Sociale d’Arras fêtera le 1er mai prochain sa dixième édition. Jean-Bernard Pouy se fend donc d’un court roman dans lequel il imagine qu’à la fin de la manifestation, les participants refusent de quitter le terrain et décident d’édifier la Commun Libre d’Arras, comme au bon vieux temps…

Arras, 1er mai 2011 : alors que la dixième édition du salon Colère du présent ferme ses portes, les festivaliers décident de faire le siège de la ville dans laquelle ils veulent instaurer la Commune Libre si chère à Louise Michel et Auguste Blanqui. Réponse immédiate de l’Etat, les chars de l’armée encerclent les manifestants retranchés derrières des barricades. Chargé de diriger l’assaut, le Général Marc de la Villardeuse tente d’entrer en contact avec les insurgés afin d’en savoir un peu plus sur leurs revendications. Seul moyen de le faire : y aller nu. Les convictions belliqueuses de la gente militaire vont en prendre pour leurs grades.

Un bon grand Pouy disons-le tout de suite. Le grand oncle du polar français n’est jamais aussi bon que quand il revient à ses premières amours : foutre le boxon dans les idéologies, détourner les pensées anarchisantes, faire merder l’autorité en la phagocytant comme un ténia. Il y a tout ça dans Colère du présent, il n’y a même que ça. L’affrontement entre le casque et ce qu’il y a en dessous.

Si vous n’avez jamais fait un 1er mai à Arras, c’est le moment de fourbir vos sacs et d’aller là-bas fêter les 10 ans de la manifestation. On n’en comprend que mieux le récit de Pouy. Une seule journée a errer dans une ville laissée aux mains créatives des gauchistes de toutes obédiences (enfin, plutôt très éloignés du centre), c’est forcément court. On a envie de rester sur place, poursuivre la dégustation des merguez-frites et parler pendant des heures de ce qu’il faudra faire. Or, là, Henry Fonda et ses potes le font pour nous. Mais en beaucoup plus déterminés, derrière les barricades. Se croisent alors les portraits de ces combattants libertaires et de leurs opposants directs, une armée professionnelle qui se demande s’il faudra, à un moment ou un autre, tirer sur les frères.

Riche idée au centre même de l’intrigue : pour négocier avec les révoltés, il faut allez les rencontrer dans le plus simple appareil. On assiste alors à un grand moment littéraire et héroïque, le Général en poste à Arras quittant l’habit pour remonter seul l’avenue vers le camp adverse « son sexe, impressionnant, bat contre ses cuisses à chaque pas. » Marc de la Villardeuse, Chef d’Etat Major fonctionnant à la méthédrine que lui prépare Cyprien, son factotum; Jean-François Muller, capitaine envoyé au front découvrir les richesses de la vie libre ; Sébastien Tendron, le Colonel qui ne se pose guère de question jusqu’à ce que ; le Lieutenant Colonel Deuppe, chef du renseignement… Au delà de la private joke et de la bonne déconnade, Colère du présent est aussi un hommage à la pensée humaniste capable de s’instiller jusqu’au plus dur des cortex. Roman de l’utopie. C’est du Pouy, ça se mange sans fin.

Colère du présent

Roman français de Jean-Bernard Pouy

Editions Baleine – 2011 – 188 pages