Potentiel de l’épistolaire scientifico-foutraque
Alfonso Vermot y Carambar
de Francis Mizio & Jean-Bernard Pouy


Dans l’histoire de la littérature, il y a le roman épistolaire. Dans le roman épistolaire, il y avait jusqu’ici un titre majeur, Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Et bien disons-le sans morgue, il faudra désormais compter avec Alfonso Vermot y Carambar ou la thèse de deux chercheurs émérites sur l’inventeur de la devinette.

Deux chercheurs échangent des courriers pendant une période difficile à estimer. Ces deux hommes, éminents spécialistes de littérature comparée et d’histoire moderne, sont en train de rédiger une thèse sur la biographie obscure d’un certain Alfonso Vermot y Carambar, lieutenant du libérateur de la Bolivie, Simon Bolivar. Cet homme aurait, en son temps, inspiré bien des blagueurs. En effet, Vermot y Carambar serait, ni plus, ni moins que l’inventeur de la devinette.

Immédiatement, à l’approche de ce livre, on est happé par la couleur de la couverture qui n’est pas sans rappeler celles utilisées par un certain fabriquant de pièges à couronnes caramélisés. Alors, saute aux yeux le titre, puis, secondement, le nom des deux auteurs. Francis Mizio, grand thématicien de la structure des administrations françaises, et Jean-Bernard Pou, découvreur d’un très flou philosophe allemand de la deuxième moitié du XXème siècle, Arthur Keelt, et traducteur de son unique œuvre, Le merle.

La thèse des deux chercheurs est la suivante : prouver l’existence d’Alfonso Vermot y Carambar, sa présence auprès de quelques grands personnages du XIXème siècle, et l’influence qu’il a pu avoir sur eux et sur l’histoire de l’humour planétaire. Mais rapidement, il apparaît des dissensions entre les deux auteurs. Non pas sur la thèse elle-même, mais sur le travail que chacun fourni afin que la recherche progresse. En effet, si Pouy est tatillon et pointe du doigt certains points obscurs de la théorie, Mizio, lui, semble profiter de l’air du temps et, par des mensonges éhontés, prétexter divers incidents ménagers pour justifier les retards répétés de sa rédaction.

Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit là d’une joute qui s’étale sur quelques soixante dix pages. Les deux hommes rivalisent de notes de bas de pages, toutes plus surannées les unes que les autres et finissant même par ne plus correspondre à rien.

Dadaïsme, situationnisme ou théorisation du rien avec lequel on peut tout faire, qu’importe. Alphonso Vermot y Carambar est avant tout la démonstration que la littérature peut tout faire tant qu’elle est entre les mains d’une bande de dingues n’ayant plus rien à perdre, et d’éditeurs suffisamment confiants pour leur ouvrir la porte des imprimeurs.


Alfonso Vermot y Carambar (inventeur de la devinette)

De Francis Mizio & Jean-Bernard Pouy

Jean-Paul Rocher Editeur – 2011 – 74 pages