Potentiel de l’anti-carte postale
Golgotha
de Leonardo Oyola


Pour ceux qui en doutaient encore, l’Argentine n’est plus la patrie du tango. La pauvreté y est aussi criante qu’à Rio, et comme dans la cité brésilienne, la couronne banlieusarde est devenue le terrain de chasse des bandes armées. Une cruelle confrontation des clichés d’hier avec ceux d’aujourd’hui.

Lagarto et son collègue Calavera sont flics à Villa Scasso. Villa Scasso n’est pas une ville, c’est un bidonville de l’ouest de Buenos Aire. La police y est représentée mais elle a très peu de marges de manoeuvres face au pouvoir des bandes armées organisées pour défendre les territoires des dealers. C’est dans ce décor de ruelles découpées entre les taudis que meurent deux femmes : Magui, la mère, et Olivia, la fille. Pour Calavera, l’implication de Kuryaki, trafiquant et baiseur impénitent est certaine. Lagarto voudrait le freiner mais rien n’y fait. Le jeune flic va donc déclencher une guerre.

Golgotha est d’une lecture très courte mais comme toute plongée en apnée, ces 130 pages suffisent. On en remonte à bout de souffle. Ecriture dense, mise en scène en forme de western moderne, vengeance latine, emportement religieux aveuglant, cette scène de quelques jours à peine au fond des favelas argentine donne le vertige.

Avec un sens impressionnant du récit épique, Leonardo Oyola se fait le chroniqueur d’un quartier, d’un état dans l’état, avec ses lois non écrites mais gravées dans le sang de tout habitant. La fatalité, voilà à quoi pourrait se résumer ce roman. Une fatalité de tous les instants. A croire que personne à Villa Scasso n’a le droit à sa parcelle de ciel bleu. L’affaire part de rien. Une jeune fille se fait engrosser par un dealer qui essaime à tout va, sa mère l’amène pour un avortement qui tourne mal et c’est l’escalade, le vertige des profondeur. Il n’y a plus, dans cette micro cité, de repaires. La police est livrée à elle même et quand elle ne compte pas les points, quand elle se voit condamnée à bouger, elle déclenche des cataclysmes. Ce monde qui tient à un fil entre l’apocalypse et l’enterrement, n’est régi que par un système : celui des failles sismiques. Quand quelque chose bouge, tout s’effondre. Et le futur n’est que reconstruction de ce qui vient d’être détruit. Il n’est aussi que répétition puisque tout un chacun est devenu un cliché, obligé de reproduire un destin, celui des morts.

Golgotha est un roman noir dans toute l’acception du terme. Et comme pour chacune de leurs parutions, les éditions Asphalte nous gratifient d’une illustration sonore en accompagnement, une playlist disponible sur leur site.

Golgotha

Roman argentin de Leonardo Oyola

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Olivier Hamilton

Asphalte – 138 pages - 2011