La terre vue du David Pujadas (épisode 6)
Potentiel de l’utopie


Alors que la rentrée est déjà loin derrière nous, le PetLabPotGlob revient sur un reportage du 20H de France2 dont il a gardé un souvenir aussi vague que marquant.

A vrai dire, on ne sait plus quand c’était, ni qui présentait ce foutu 20 Heures, flottement qui classe, évidemment, nos chroniqueurs dans la catégorie des pseudos journalistes engorgeant le net d’informations invérifiables. Bon, vu le thème du sujet, de toute façon, c’était forcément au moment de la rentrée des classes. Quant à savoir si c’était David Pujadas ou Marie Drucker qui étaient aux manettes, on s’en fout, on va dire que c’était Pujadas. Après tout, cette chronique porte un nom.
En milieu de journal, comme le JT de France2 en a quotidiennement l’habitude, Pujadas nous proposa un Grand Format sur les internats d’excellence. Allez hop, magnéto. Issue des quartiers défavorisés, mais bonne élève, une adolescente dont on a oublié le nom mais que l’on baptisera Clara pour ne cibler personne, est accueillie dans l’un de ces établissements voulus par l’Education Nationale période Sarkozy. Dans un joli petit endroit de verdure, une splendide demeure accueille un nombre restreint de bons élèves aussi peu nantis que Clara, afin qu’ils y reçoivent un enseignement privilégié qui les verra sortir de là avec un bac solide et une perspective radieuse vers les grandes écoles, ensuite de quoi ils finiront ministres ou chômeurs.
Bon, jusque-là, le reportage est assez gnan-gnan, Clara se balade seule avec le directeur de l’établissement à travers les salles de classes merveilleuses, les chambres pour deux à la déco impeccable, et le parc alentour de rêve. Elle cause au micro en disant combien elle est ravie d’être là, surtout elle, tellement habituée depuis sa plus tendre enfance aux aléas d’une scolarité en ZEP.
Ok ! On a compris l’objectif, maintenant, on voudrait bien savoir ce qui est enseigné dans ce petit paradis du savoir. Ca tombe bien, on donne la parole à M. le Directeur, assis aux cotés de Clara, dans son beau costume trois fils à l’anglaise, avec ses coudières en cuir et sa cravate bariolée. Stricte, lunettes à monture Sécurité Sociale, le dirlo nous explique que ces internats d’excellences proposent une structure d’enseignement en plusieurs points : des effectifs réduits par classes ; une aide aux devoirs ciblée pour chaque élève et des études après classe surveillées ; des activités sportives et culturelles organisées en fonction d’un projet pédagogique propre à l’établissement ; des accès privilégiés aux nouvelles technologies ; etc…
Là, je ne sais pas si nos 60 millions de concitoyens ont eu le même réflex que nous, mais on s’est regardé et on s’est dit : « Attendez, attendez, j’ai bien entendu ? Ce type est en train de nous parler des prérogatives de tout établissement scolaire normalement pourvu par le Ministère de l’Education Nationale, non ? » Et puis en fait, on a soufflé un grand coup parce qu’on s’est rendu compte qu’on ne nous parlait pas du tout de ça. Non, ce qu’on nous disait c’était que d’un coté, le Ministère en question sabrait les crédit, virait 16 000 profs cette année encore en se foutant bien du fait qu’il y avait 80 000 nouveaux élèves qui prenaient d’assaut en cette rentrée les bancs des collèges et lycée ; mais que de l’autre, pour bien montrer quand même qu’on ne se foutait pas de la gueule des imposés fiscaux de cette république, on finançait des établissement de prestige à la hauteur de ce que pourrait être une école privée suisse à l’usage exclusif des fils du Sultan de Brunei. Sauf qu’à l’intérieur de ces boites à bac grands luxe, on accueillait des élève brillants de banlieue pour leur donner la chance de ne pas gaspiller leurs potentiels dans la crasse abjecte du commun des lycées publics du territoire.
Ah ! D’accord. C’est donc à vomir ? Ben oui. Mais quand ça passe par la case du 20 heures et qu’à aucun moment on ne donne la parole à un prof lambda pour dire ce qu’il pense de tout ça, ça veut dire que c’est institutionnalisé.