Le Petit Laboratoire des Potentialités Globale fait rarement dans la politique. Même si ce sujet brûle les doigts de certains de nos laborantins, il nous arrive de croire que ne sommes pas suffisamment spécialistes de cette affaire. Seulement il est des cas dans lesquels un manque de connaissances peut donner lieu à une sorte de candeur qui autorisera à poser les bonnes questions.
Vous avez certainement noté comme nous qu’un certain nombre d’épisodes viennent récemment d’emmailler l’actualité sociale et politique de notre bel hexagone. Et ce, notamment depuis les élections régionales. Les récents accidents de parcours du gouvernement en matière de gestion des flux migratoires sont légions. Pour ne parler que des deux derniers, ils sont assez représentatifs de notre sujet du jour.
1) Le 23 avril : une femme portant la burqa au volant est arrêtée par un policier à Nantes qui la verbalise. Dans la demi-journée qui suit, Brice Hortefeux dégotte des informations de première bourre sur le mari qui est polygame, multipère et aspirateur à prestations sociales.
2) Le 3 mai : un enfant kosovar polyhandicapé se fait arracher d’un hôpital dans la région de Metz où il est soigné, par une armée de flics et renvoyé au pays avec toute sa famille.
Dans les deux cas, on ne saurait polémiquer trois heures, la cible est claire : récupérer l’électeur du Front National qui a redonner des voix aux Le Pen au cours des régionales 2010. Un électorat que Sarkozy a volé en faisant campagne sur les terres du borgne, puis en mettant en place un ministère inique, celui de l’identité nationale et de l’immigration, adoubant par la simple apposition de ces deux groupes nominaux, tous les sympathisants d’extrême droite.
On le sait depuis Mitterrand, l’extrême droite est un outil politique. L’oncle de la France Tranquille s’en était servi en son temps pour affaiblir et diviser la droite. Chirac la dragua en plaisantant grassement sur « le bruit et l’odeur » et se retrouva avec Le Pen au second tour de la présidentielle. Quant à Sarkozy, depuis son accession au ministère de l’intérieur, sa vision en la matière s’est on ne peut plus bétonnée. Résultat des courses, les chiffres de reconduites aux frontières qu’annonçait celui qu’à Radio Courtoisie on nomme Le Président depuis 2002, est aujourd’hui largement explosé. On se retrouve avec une administration préfectorale zélée laissant la bride sur le cou à de petits fonctionnaires épris de délation, des caméras à tous les coins de rue, un Jean-Pierre Pernaut au top de l’audience, des suspicions de mariages blancs sur tous les murs des mairies dès que la consonance de l’un des épousants ne ressemble pas à celle d’un natif du Gers, des flics surarmés qui molestent avec l’appuie de la hiérarchie et un nombre record de garde-à-vue qui positionne la France dans le collimateur d’Amnistie Internationale.
Cette année encore, le 1er mai des travailleurs a été squatté par la fête du Front National célébrant le Sainte Jeanne d’Arc. Ca fait trente ans que la mairie de Paris et la préfecture de police accordent aux fachos l’autorisation de défiler dans la rue de Rivoli puis de se rassembler place de l’Opéra autour d’une fantastique scène sur laquelle le Président entre bras tendus. Trente ans que pendant toute cette journée un quartier entier de la capitale est laissé aux mains du DPS, le service d’ordre du FN, qui écarte systématiquement tous les journalistes qui ne se seraient pas vu délivrer une accréditation par leur service communication. Trente ans que la Sainte Jeanne d’Arc est célébrée par des passéistes qui ne respectent même pas le calendrier grégorien alors que la plupart s’affirment hautement catholiques : Jeanne d’Arc est fêtée le 12 mai.
Au cours de ces trente années, on a vu de tout et souvent des mains tendues, comme à la grande époque où la rue de Rivoli voyez défiler les troupes d’occupation se dirigeant vers la Kommandantur du Grand Paris, sis à l’hôtel Meurice. Comment se fait-il que les autorités acceptent ça ? A l’heure de la polémique sur les rassemblements apéritifs de Facebook, la question de sécurité vaut d’être posée. Mais non. La police s’occupe du périmètre et quelque fois même, charge les contre-manifestants qui, comme nous, sont écoeurés.
A chaque élection, les partis politiques s’affirment très préoccupés par la montée du Front National. En 2002, un million de Français se retrouvait place de la République pour dire non. Jean-Marie Le Pen a maintes fois été condamné pour des incitations à la haine raciale. Il y a visiblement un problème. Auquel il existe une solution, très simple.
Pourquoi ne pas interdire l’extrême droite ?
La tentation fasciste est presque le propre de l’homme. Préservation de l’espèce, agissements à l’instinct, survie, peur de l’étranger, nécessité d’un chef unique et fort pour nous protéger. Tout ce qui nit l’homme libre né de la révolution française et du siècle qui s’ensuit. La France a écrit la démocratie. Au nom de cette démocratie, on devrait laisser naitre en son sein des idéologies qui la menace directement et la condamne à terme. Un peu comme si on devait accepter que notre corps abrite des métastases qui le feront mourir ou, au mieux, nécessiteront une ou plusieurs interventions chirurgicales lourdes. Pour l’heure, médicalement, il est impossible de prévenir les cancers. Politiquement, il existe un outil pour empêcher à la tentation fasciste d’exister en tant que force représentative : le parlement. Seulement ce parlement lorsqu’on lui pose la question, alors même qu’il s’inquiète des résultats électoraux du FN, nous répond : dans ce cas, il faudrait interdire aussi l’extrême gauche.
La réponse à cette diatribe normande est simple. Historiquement, jamais lorsqu’ils ont été au pouvoir, les socialistes n’ont puisé dans l’idéologie d’extrême gauche pour rallier à eux des électeurs. A-t-on jamais lu dans leurs programmes les grandes thèses de penseurs du communisme ? A-t-on jamais tenté de draguer en France le prolétariat en lui promettant la fin de la propriété privée, le salaire égale pour tous les travailleurs, la mise en place de kolkhozes, l’édification des commissaires du peuple ? Non. Le SMIC, oui. Les congés payés, oui. La sécurité sociale, oui. Le goulag, non.
La présence de l’extrême droite dans le paysage politique français agit comme une obligation de gestion et fait perdre un temps considérable à la démocratie, quand elle ne la paralyse pas totalement. A l’heure qu’il est, Sarkozy applique un nombre très encourageant de règles édictées par le FN dans le but unique de se maintenir au pouvoir au détriment de la véritable identité française. Liberté, égalité, fraternité.
Parallèlement au durcissement de sa politique sécuritaire, le FN joue d’intelligence : Marine remplace Jean-Marie, s’applique un masque fréquentable, un panneau énorme dans lequel une bonne partie des médias tombe. Il est insupportable de voir la une d’un magazine national afficher le sourire vainqueur de la dauphine et lui offrir par la même la patine d’une femme politique comme les autres. Non, cette femme, toute policée soit-elle en couverture, n’est pas une dirigeante normale. Et oui, quel qu’aspect social qu’ait aujourd’hui le discours de l’extrême droite, il n’est pas et ne sera jamais démocratique. Il n’a de sursaut qu’en période de crise.
Hier Le Pen père fustigeait librement les étrangers d’une main, tout en finançant de l’autre la production de disques de chants de la waffen SS. Sa fille porte le même héritage. Il ne faut pas s’y tromper. Comme il ne faut pas se tromper sur le sens de la démocratie et de sa nécessitée intrinsèque : donner à tout citoyen la possibilité de vivre libre sans jamais lui tendre les chaines pour s’emprisonner.
PS: En Hongrie, apprend-on ces jours-ci, un mouvement d'extrême droite particulièrement virulent dans la chasse aux Tziganes, s'est vu interdit. Aussitôt, les membres représentatifs du mouvement nationaliste (eux autorisés) siégeant à l'assemblée, ont manifesté leur mécontentement et leur leader s'est présenté dans l'hémicycle porteur d'un insigne nazi en revers de sa veste.
Re PS: "La résistance à tout ce qui dégrade l'homme par l'homme, aux asservissements, aux mépris, aux humiliations, se nourrit de l'aspiration, non pas au meilleur des mondes, mais à un monde meilleur. Cette aspiration, qui n'a cessé de naître et renaître au cours de l'histoire humaine, renaîtra encore."
Edgar Morin - Ce que serait "ma" gauche - Le Monde du 22/05/10
(si un philosophe de bientôt 90 ans croit encore que l'humain peut s'en sortir, c'est qu'on n'est pas tout à fait foutu...)