L’acteur Tony Curtis n’avait pas tout dit dans son autobiographie signée en 1995. Il revient longuement sur le tournage du film culte de Billy Wilder, Certains l’aiment chaud ! et fait la part belle aux nombreuses déroutes de cette production qui mit plus de douze mois à sortir de l’ornière dans laquelle Marilyn Monroe le plantait quotidiennement.
En 1958, à 33 ans, Tony Curtis est une star montante à Hollywood. Marié à l’actrice Janet Leigh (Psychose), il gravite dans un monde fait de soirées privées et de premières endiamantées. Jusqu’au jour où il apprend que Billy Wilder veut le rencontrer. Wilder a un film en projet et veut Curtis dans le binôme de tête. Il y aura aussi Marilyn Monroe et Jack Lemmon. Ainsi débute le projet Certains l’aiment chaud ! Lorsque le tournage commence, l’équipe n’est ni consciente qu’elle va traverser un véritable enfer, ni que ce film va devenir l’un des monuments du cinéma mondial. Monroe ne leur épargne rien. Totalement dépressive, dépendante de sa coach, Paula Straszberg, qui hante le plateau comme une éminence grise, vivant une fin de mariage avec Arthur Miller qui est en train pourtant de lui écrire un rôle éminent dans Les désaxés, Marilyn est au bout du rouleau. A un point tel que la presse annonce son retour aux écrans comme si elle était déjà en préretraite. L’actrice, alors âgées de 32 ans, boit dès le matin, s’endort sous médicaments, arrive systématiquement en retard et ne peut pas à sortir son texte. Le tournage prend quinze jours dans la vue, le budget explose et Tony Curtis et Jack Lemmon passent des heures debout, dans leurs tenues de travestis, les pieds enfermés dans leurs talons aiguilles, à donner la réplique à une femme qui n’arrive pas à dire « Où est ce bourbon ? ». Lorsque le film s’achève enfin, Curtis, Lemmon et Wilder ne savent même pas qu’ils viennent de créer là un chef d’œuvre absolu. Ils tentent juste de reprendre pied et de ne pas en vouloir à une Marilyn qui n’a plus que trois années à vivre.
Unique survivant du quatuor qui donna naissance à Certains l’aiment chaud !, Tony Curtis consigne dans cette autobiographie des mémoires impudiques qui, dans un premier temps peuvent agacer. L’homme est plutôt fier de sa réussite, l’accès au rang de star semble être pour lui d’une normalité sans doute possible, ses talents d’acteur sont décris par le menu sans fausse modestie, sa capacité à faire tourner la tête de n’importe quelle fille parce qu’il est le plus beau gosse d’Hollywood trouve son apogée dans la conquête de Marilyn Monroe elle-même, quelques années avant leur retrouvailles sur le plateau de Wilder, bref, Curtis ne doute de rien. Il en impose, il est beau, il est riche, il n’a que 33 ans. Pour lui tout roule. Irritant donc ? Pas tout à fait. Il ne s’agit pas là des souvenirs d’un pékin moyen, mais bien d’un monstre sacré – qui, certes fut plus connu de ce coté de l’Atlantique pour son rôle de Danny Wilde dans la série Amicalement vôtre que pour avoir tourné dans plus de cinquante films. Et le quotidien de genre de personnage quasi mythologique au sein de notre civilisation n’a rien d’une sinécure.
Cette autobiographie ciblée sur un seul évènement possède donc, d’emblée un aspect documentaire assez exceptionnel. Outre qu’il donne une suite éclairée à l’impressionnant Some like it hot ! de Billy Wilder et Dan Auiler, paru chez Taschen en format immense en 1995, c’est aussi la biographie d’une époque à bien des égards aujourd’hui perdue, oubliée et presque inaccessible. Domination des studios, mise sous contrats des acteurs, coup de putes des grands producteurs, drames et amours ou amours dramatiques, le quartier des MGM, Fox, Universal – aujourd’hui presque laissé à l’abandon ou voué au culte passéiste pour tourisme de masse – retrouve dans ce récit un lustre dégénéré dont Wilder (encore lui) fit son Sunset Boulevard. Hollywood, l’usine à produire du rêve, mais du rêve solidement calibré par une censure implacable. L’idée même du film, deux hommes qui se travestissent pour échapper à la mort, trouvera un premier écho dévastateur auprès des hautes instances de la morale. Hollywood qui se doit de côtoyer les journalistes car ce sont eux qui font Hollywood – le tournage se fait en permanence sous l’œil égrillard de quelques baveux qui commentent à voix haute les atours de Monroe, se moquent d’elle, la harcèle de questions impudiques.
Et puis, il y a Marilyn Monroe. La déchéance de la comédienne fut mainte fois narrée, des forêts entières ont été détruites pour raconter l’histoire de cette femme enfant qui passa sa courte vie à construire son personnage tout en se détruisant parallèlement. Mais, c’est sans doute la première fois que cette mortification est vue de l’intérieur. Curtis, proche de l’actrice, la voit tomber lentement. Et autour de lui, l’équipe de Certains l’aiment chaud ! semble vouait, elle aussi, à être les témoins de cette vie foutue. Dans son récit, l’acteur semble moins agacé, irrité par les retards et les pertes de mémoire de Marilyn qu’apitoyé par ce qu’elle s’inflige. Si le portrait est sans concession aucune – femme tyrannique, alcoolique, égoïste, prise au piège d’un égo qu’elle ne s’est pas construit – le recul du temps lui donne néanmoins une patine sous laquelle on sent un amour presque paternel. Et c’est un père que la star a recherché toute sa vie durant (Joe Di Maggio et Arthur Miller, figures emblématiques du patriarche protecteur).
L’ennui avec ces autobiographies tient souvent dans le manque de plume de leurs auteurs. Cela étant, lorsqu’un personnage de renom écrit sa vie avec style, on doute soudain qu’il n’ait utilisé un nègre. Celle-ci n’échappe pas à la première règle. Tout ne tient que par le fil de l’histoire et les péripéties de ce tournage auxquels viennent s’ajouter de nombreuses planches de photos témoignant de ces longs mois de labeur, de rire, d’angoisse et de complicité.
Mais au-delà de tout, s’il y a une chose dont donnent envie ces quelques 300 pages, c’est de se précipiter chez le vendeur de DVD le plus proche et de s’enfermer deux heures durant pour revoir Certains l’aiment chaud ! même quand on le connaît par cœur. Et de déguster cette fin et cette dernière réplique dont Wilder n’était pas satisfait jusqu’à ce que le rire général de la première projection lui donne tord.
Unique survivant du quatuor qui donna naissance à Certains l’aiment chaud !, Tony Curtis consigne dans cette autobiographie des mémoires impudiques qui, dans un premier temps peuvent agacer. L’homme est plutôt fier de sa réussite, l’accès au rang de star semble être pour lui d’une normalité sans doute possible, ses talents d’acteur sont décris par le menu sans fausse modestie, sa capacité à faire tourner la tête de n’importe quelle fille parce qu’il est le plus beau gosse d’Hollywood trouve son apogée dans la conquête de Marilyn Monroe elle-même, quelques années avant leur retrouvailles sur le plateau de Wilder, bref, Curtis ne doute de rien. Il en impose, il est beau, il est riche, il n’a que 33 ans. Pour lui tout roule. Irritant donc ? Pas tout à fait. Il ne s’agit pas là des souvenirs d’un pékin moyen, mais bien d’un monstre sacré – qui, certes fut plus connu de ce coté de l’Atlantique pour son rôle de Danny Wilde dans la série Amicalement vôtre que pour avoir tourné dans plus de cinquante films. Et le quotidien de genre de personnage quasi mythologique au sein de notre civilisation n’a rien d’une sinécure.
Cette autobiographie ciblée sur un seul évènement possède donc, d’emblée un aspect documentaire assez exceptionnel. Outre qu’il donne une suite éclairée à l’impressionnant Some like it hot ! de Billy Wilder et Dan Auiler, paru chez Taschen en format immense en 1995, c’est aussi la biographie d’une époque à bien des égards aujourd’hui perdue, oubliée et presque inaccessible. Domination des studios, mise sous contrats des acteurs, coup de putes des grands producteurs, drames et amours ou amours dramatiques, le quartier des MGM, Fox, Universal – aujourd’hui presque laissé à l’abandon ou voué au culte passéiste pour tourisme de masse – retrouve dans ce récit un lustre dégénéré dont Wilder (encore lui) fit son Sunset Boulevard. Hollywood, l’usine à produire du rêve, mais du rêve solidement calibré par une censure implacable. L’idée même du film, deux hommes qui se travestissent pour échapper à la mort, trouvera un premier écho dévastateur auprès des hautes instances de la morale. Hollywood qui se doit de côtoyer les journalistes car ce sont eux qui font Hollywood – le tournage se fait en permanence sous l’œil égrillard de quelques baveux qui commentent à voix haute les atours de Monroe, se moquent d’elle, la harcèle de questions impudiques.
Et puis, il y a Marilyn Monroe. La déchéance de la comédienne fut mainte fois narrée, des forêts entières ont été détruites pour raconter l’histoire de cette femme enfant qui passa sa courte vie à construire son personnage tout en se détruisant parallèlement. Mais, c’est sans doute la première fois que cette mortification est vue de l’intérieur. Curtis, proche de l’actrice, la voit tomber lentement. Et autour de lui, l’équipe de Certains l’aiment chaud ! semble vouait, elle aussi, à être les témoins de cette vie foutue. Dans son récit, l’acteur semble moins agacé, irrité par les retards et les pertes de mémoire de Marilyn qu’apitoyé par ce qu’elle s’inflige. Si le portrait est sans concession aucune – femme tyrannique, alcoolique, égoïste, prise au piège d’un égo qu’elle ne s’est pas construit – le recul du temps lui donne néanmoins une patine sous laquelle on sent un amour presque paternel. Et c’est un père que la star a recherché toute sa vie durant (Joe Di Maggio et Arthur Miller, figures emblématiques du patriarche protecteur).
L’ennui avec ces autobiographies tient souvent dans le manque de plume de leurs auteurs. Cela étant, lorsqu’un personnage de renom écrit sa vie avec style, on doute soudain qu’il n’ait utilisé un nègre. Celle-ci n’échappe pas à la première règle. Tout ne tient que par le fil de l’histoire et les péripéties de ce tournage auxquels viennent s’ajouter de nombreuses planches de photos témoignant de ces longs mois de labeur, de rire, d’angoisse et de complicité.
Mais au-delà de tout, s’il y a une chose dont donnent envie ces quelques 300 pages, c’est de se précipiter chez le vendeur de DVD le plus proche et de s’enfermer deux heures durant pour revoir Certains l’aiment chaud ! même quand on le connaît par cœur. Et de déguster cette fin et cette dernière réplique dont Wilder n’était pas satisfait jusqu’à ce que le rire général de la première projection lui donne tord.
Certains l’aiment chaud ! et Marilyn
de Tony Curtis et Mark A. Vieira
traduit de l’anglais par David Fauquemberg
316 pages – Le Serpent à Plumes - 2010
de Tony Curtis et Mark A. Vieira
traduit de l’anglais par David Fauquemberg
316 pages – Le Serpent à Plumes - 2010