Potentiel d’une bonne lessiveuse

L’éditeur Bernard Pascuito s’installe en Provence dans une toute nouvelle librairie où il vend des livres d’occasion et le stock de sa maison d’édition. Pendant ce temps, en France, ses auteurs attendent toujours qu’on leur verse leurs droits. Parfois, depuis des années.

Pardonnez l’inesthétique de cet article, sans photos alignées en encarts, mais le sujet ne mérite pas un tel traitement. Alors que le Petit Laboratoire des Potentialités Globale va fêter sa première année d’existence, il est amusant de constater que douze mois piles après l’article sur mes déboires avec les éditions Toucan Noir, c’est un autre éditeur qu’il faut rappeler à l’ordre.

J’ai rencontré Bernard Pascuito en 2007. Il avait eu en main le manuscrit du Tri sélectif des ordures. Il m’a invité à boire un café et m’a proposé de publier ce roman. Dans la foulée : signature de contrat type, pas d’à valoir (le sujet n’a même pas été abordé, mais j’étais trop heureux pour y prêter attention) et sortie des premières aventures de Dick Lapelouse, le premier tueur à gage discount de la civilisation occidentale, en Mai 2008.

Là-dessus, une année s’écoule. Au mois de juin 2009, comme je réclame tout de même à voire mes comptes et, donc, à toucher mes droits, Pascuito me propose un rendez-vous dans un café du 5ème arrondissement. Je m’y rends. Nous discutons de choses et d’autres, puis nous en venons au sujet qui nous intéresse : mon relevé de droits. Là, il ouvre son sac et produit un papier plié en quatre, une page tirée d’un manuscrit… au dos de laquelle est imprimé un tableau à deux entrées qui aurait tenu sur un ticket de métro. Voilà. C’est mon relevé de droits. Il m’explique chaque détail, ce qui prend cinq bonnes minutes, puis, on en arrive à la case du total : M. Pascuito me doit 515 euros. Je m’attends à le voir sortir son carnet de chèque, ou bien me demander de lui donner un RIB. Au lieu de ça :

« Si ça t’embête pas d’attendre jusqu’au 15 juillet, j’ai quelques problèmes de trésorerie en ce moment. Ca te va ? »

A ce moment, je ne suis pas réellement dans l’urgence, j’accepte donc d’attendre un mois de plus. C’est la dernière fois que j’ai eu des nouvelles de mon éditeur. C’était en juin 2009. J’ai envoyé des mails, un recommandé. Aucune réponse.

Il est tout de même curieux de constater que certains de nos contemporains semblent encore ignorer que nous vivons au temps de la globalisation, que la communication a atteint des sommets presque vertigineux et qu’en l’occurrence, tout se sait, tout voyage, souvent à la vitesse de la lumière. Depuis le début de l’année 2010, je reçois pas mal de nouvelles de certains auteurs que M. Pascuito a publiés au cours de sa carrière d’éditeur. Tous sont dans la même situation que moi. Et souvent pour des sommes qui dépassent de très loin les quelques 500 € inscrits dans ma case total.

Et voici que nous découvrons que cet homme, désormais inscrit aux abonnés absents (la boutique de l’avenue Bosquet est fermée depuis que les éditions Pascuito ont déménagé rue de Seine, mais même là, les recommandés rebondissent contre une porte close et retournent à l’envoyeur), vient d’ouvrir une librairie dans une sympathique bourgade des Bouches-du-Rhône. Une librairie dans laquelle il vend un stock de livres d’occasion, ainsi que les romans de son propre catalogue. A lire l’élogieux article que lui consacre la Provence du 6 mars dernier, on a comme l’impression d’avoir affaire à un bon père de famille venu s’installer récemment dans un charmant petit village avec l’idée d’y prospérer honnêtement. Le problème, c’est que Bernard Pascuito a choisi comme lieu de fuite une commune dont le nom résume à lui seul – quoi qu’il s’agisse là d’un doux euphémisme - l’état dans lequel il a mis ses auteurs : Rognes.

Ce que je me demande aujourd’hui, et je ne dois pas être le seul, c’est avec quelles ressources financières cet endetté pathologique a bien pu monter son commerce. A-t-il contracté un prêt ? Si tel est le cas, le banquier de Rognes est à conseiller vivement : sous peu, le village risque de crouler sous les demandes d’accès à la propriété. Plus aveugle, tu meurs. Aveugle aussi la chambre de commerce locale qui laisse s’installer dans le coin un personnage qui n’en est pas à son coup d’essai en matière de mauvaise gestion de ses affaires. A-t-il du bien ? Si tel est le cas, pourquoi ce monsieur ne paye-t-il pas d’abord ses auteurs avant de monter une nouvelle entreprise ? Pourquoi se lance-t-il dans une aventure où chacun des plaignants n’hésitera plus à le traiter d’escroc ?

Depuis le temps que je traine sur internet, je sais que certaines personnes (j’en suis, ne nous cachons pas derrière notre auriculaire) installent des alertes via Google afin d’être informées dès que la toile se met à résonner de leur patronyme. Dans le cas où M. Pascuito serait de ceux-là, j’ai pris soin au cours de ce papier de répéter son nom suffisamment de fois pour que les cloches lui sonnent toute la journée de demain. J’en profite aussi pour redonner le nom du journal : La Provence. J’apprécierais beaucoup qu’ils en sachent un peu plus sur l’homme dont ils ont brossé un si joli portrait le 6 mars dernier. Et les notables de Rognes, tant qu’on y est. Et la boulangère. Et le boucher. Et tout ce que ce bled compte de commerçants : comptez vos sous, messieurs dames, et si cet homme (vous le reconnaitrez, il était en photo dans votre canard) vous propose d’ouvrir une ardoise parce qu’il n’a soi-disant pas eu le temps de passer au distributeur voisin, passez dans l’arrière boutique chercher une cartouche de 12. Juste pour vous faire bien comprendre.

Et les auteurs, enfin. Ceux qui cherchent encore. Il est des boites aux lettres qu’il faut savoir éviter.

Alors, il me reste à souhaiter longue vie à :

La Bouquinerie

6, place de la Coopérative

13840, Rognes.

Oui, juste à coté du cabinet vétérinaire Martin et Cheve.


Sébastien Gendron


PS: Après vérification, je présente mes excuses à M. Bernard Pascuito pour l'inexactitude de la somme due. Et afin de ne pas passer moi-même pour un escroc, je précise qu'il ne me doit que 422,76€.

Re PS: Après vérification, je présente mes excuses à M. le banquier de Rognes, ainsi qu'aux instances de la Chambre de Commerce locale. Ils ne sont nullement fautifs d'aveuglement: le commerce appelé "La Bouquinerie" est inscrit au registre du commerce sous le n° de siret 518 305 552 00011, au nom de Mme Brigitte Pascuito, soit l'épouse du préposé. La grande classe!