Potentiel d’une bonne nostalgie :
« Les compagnons du Veau d’or » de Jean Bernard Pouy

En décembre 2005 parait une revue littéraire spécialisée dans le polar : Shanghai Express. Cinq ans plus tard, la revue a vécu mais l’un de ses feuilletons phares sort chez Baleine.
Evidemment, c’est du Pouy.


On va commencer par le résumé, on glissera dans la nostalgie ensuite : Drano est le rédacteur et unique journaliste du fanzine Ni dieu ni maître ni patron, qu’il vend à la sauvette sur le marché du boulevard Richard Lenoir, à Paris. C’est là que son pote Marcel vient lui apprendre que sa dernière conquête, Eva, une prostituée estonienne qu’il comptait affranchir, a disparue corps et bien, alors qu’elle partait en Bretagne, exercer un petit extra. En Bretagne, justement, la jolie Eva est retenue prisonnière dans un manoir par une sorte de secte dont les huit membres, cagoulés et vêtus de cuir rouge, discutent finance entre deux coups de reins… Et assassinent selon un étrange modus operandi, de grands patrons du CAC 40. Enfin, le petit gauchiste de Bastille trouve une aventure à la hauteur de ses implications journalistiques.
Pour la nostalgie, les choses se sont passées ainsi. En 2005, Stéfanie Delestré (aujourd’hui directrice de collection du Poulpe chez Baleine) et Laurent Martin (alors professeur d’histoire, archéologue et auteurs de romans policiers) décident de mettre leur fortune au pot, de contacter des copains et de monter une revue autour de la littérature populaire et du polar. Ca s’appellera Shanghai Express, ca sera beau et ça remettra au gout du jour les feuilletons littéraires d’antan. Et surtout, ça vivra – vous savez comment on est quand on est jeune, on est déterminé à traverser un champs de mines avec l’orchestre en sachant très bien qu’on franchira les lignes adverses sans laisser la moindre victime derrière nous.
La principale demande de Shanghai et de ces deux directeurs, c’est donc le feuilleton policier. Sont ainsi convoqués quelques grandes plumes de la publication noire (Pouy, Meckert, Mizio, Leroy, Winkler, Ferey…) et quelques petits débutants (dont votre serviteur) et commande leur est passée de pondre des feuilletons, au rythme d’un épisode par mois. Parallèlement à ça, la revue sera peuplée d’interviewes d’auteurs, de quelques blagues sur le milieu, de chroniques littéraires, cinématographiques et tout ce qui peut susciter l’intérêt supposé de nos lecteurs.
Voilà. Le numéro 0 est lancé en décembre 2005. Tout le monde y croit dur comme béton armé, de toute façon, on n’est pas loin d’être les meilleurs. Il y aura cinq numéros. En janvier 2007, alors que le sixième est encore dans les ordinateurs, l’aventure s’arrête, faute de ventes, évidemment. Shanghai Express vient de se prendre un iceberg par bâbord : même les Relay H qui le distribuent ne savent pas ce que c’est et pour le trouver, il faut enfiler une combinaison de spéléo et gratter toute la pile de revues littéraires pour le dégotter, enfin, au bout du boyau.
Mais l’orchestre n’est pas mort.
Passée directrice de collection du Poulpe chez Baleine, Stéfanie Delestré décide, en 2009, que tout le travail produit pendant ces quelques mois ne peut pas se contenter d’une cave (la sienne en occurrence, où s’empilent encore quelques milliers d’exemplaires de la revue). Avec Jean-François Platet, ils mettent donc sur pied une ressortie en volumes des feuilletons de Shanghai.
Le premier exemplaire paraît donc en ce début d’année 2010. Evidemment, il s’agit d’un Pouy, l’un des premiers à avoir répondu présent à la mise à flot du Shanghai Express. Et comme Baleine n’est pas à une blague prés, les deux saisons des Compagnons du Veau d’Or, écris en six épisodes, sont imprimés tête bêche, juste pour avoir l’air d’un crétin dans le métro avec une couverture à l’envers sur deux.
Voilà. Devraient suivre dans les mois à venir les feuilletons de Didier Daeninckx et de Ferey. Peut-être même celui de votre serviteur – on en reparlera. Et pour ceux d’entre vous qui découvrent à titre posthume l’existence de Shanghai, allez faire un petit tour sur le vaisseau fantôme que constitue aujourd’hui sont site internet de l’époque (ici), peut-être qu’il est encore possible d’en commander.
Les Compagnons du Veau d’Or
Roman policier de Jean-Bernard Pouy
77 et 82 pages – Baleine - 2010