521 pages d’une immersion totale dans le monde de ces jeunes adultes concepteurs surdoués de jeux vidéo, le dernier Douglas Coupland est soit un chef d’œuvre de perception sociale, soit un bouquin totalement parasité par Chuck Palahniuk.
JPod est un bureau d’étude, au centre d’une société canadienne de conception de jeux vidéo. Enfermés toute la journée dans ses box, six programmeurs d’une vingtaine d’années dont le narrateur Ethan. Autour d’eux s’agitent : Steve, leur chef, qui a l’idée lumineuse d’insérer dans leur prochain jeu, un personnage de tortue ; Carol et Jim, les parents d’Ethan, respectivement homicide et acteur raté ; Greg, son frère, agent immobilier ; Kam, mafieux chinois ; Ronald Mac Donald, le clown de la firme à hamburger… et Douglas Coupland, auteur cynique.
Dans un premier temps, JPod est un objet. Pavé de 521 pages, joliment designé, avec, à l’intérieur, une mise en page multitâche, assemblement du texte lui-même et de longues listes de signes cabalistiques, calculs, chiffres, symboles chinois et digressions multiples autour de défis mathématiques que se lancent les membres de la bande à Ethan. Un four-tout dans lequel on trouve aussi ce qui pourrait être assimilé à un hommage aux romans exigeant de David Peace : de pleines pages de considérations mentales, affichages de pensées fugitives, sans marge, texte essoufflé et essoufflant.
On connaît Coupland pour sa capacité à immerger ses textes dans le réel de ses personnages et à ce titre, la sortie en 2007 de Eleanor Rigby était un véritable chef d’œuvre. Dans JPod, l’exercice est poussé à son extrême, ce qui est en soit l’intérêt majeur de ce roman. Sans ça, le quotidien d’une bande de programmeurs informatique serait d’un relatif ennui. Car on ne peut pas dire que l’histoire de JPod soit particulièrement prenante. Ethan est un garçon sympathique à qui il arrive pas mal de mésaventures, soit, mais ces mésaventures tiennent sur moins de deux cent pages. Meurtres, drogues, exploitation d’immigrés chinois, karaoké, on a vite fait le tour. Pour qui se soucie peu des Nintendo et autres PSP, cette chronique du monde des geeks pourrait paraître peu attractive. Seulement voilà, Coupland est Coupland, c’est bien ficelé, drôle à souhait, hérissé de dialogues et de personnalités impeccables. Roman sur une entité sociale comme le fut en son temps Génération X, JPod trouve son équilibre dans le déséquilibre, dans la déstructuration et offre au lecteur effrayé par l’épaisseur du volume la possibilité de sauter joyeusement un nombre conséquent de pages, puisque certaines, par poignées entières, affichent des rangées infini de chiffres (comme par exemple le million de nombres connus après la virgule de pi).
Néanmoins, dès les premières pages, quelque chose nous revient en mémoire qui nous avait déjà plus ou moins marqué avec Eleanor Rigby. Cette espèce de détachement dans la narration, cette ironie sous-jacente, emprunte de formules lapidaires, comme des mantras destinées à marquer la lecture et à être, qui sait, transportées hors des pages par le lecteur. Oui, Coupland, ici, redouble d’aphorismes. Des aphorismes qui nous font penser à ceux dont Chuck Palahniuk a usé jusqu’au dégout stylistique avant de sombrer corps et bien dans le pénible A l’estomac paru en 2006 chez Denoël, un roman qui décodait tellement l’écriture de son auteur que celui-ci en devenait transparent puis fade. Déjà Eleanor Rigby nous faisait penser à Journal Intime (qui reste malgré tout, l’un des meilleurs Palahniuk)
Alors quoi sur JPod ? Et bien on ne sait pas. Tout simplement. Aujourd’hui, le Labo est partagé entre le plaisir de cette lecture et l’étrangeté du rien qu’elle raconte dans un écrin très bien étudié, la sensation d’avoir été embarqué dans un livre à effets où finalement ce rien aurait pu tenir dans peu de pages, une novela peut-être. Cette sensation est d’autant plus prégnante que la conclusion nous laisse plutôt songeur, Coupland se mettant lui-même en scène, en grand organisateur d’un nouveau destin pour ses geeks, un nouveau destin qui ne change rien au précédent, ne fait avancer personne, n’apporte rien de nouveau.
Dans un premier temps, JPod est un objet. Pavé de 521 pages, joliment designé, avec, à l’intérieur, une mise en page multitâche, assemblement du texte lui-même et de longues listes de signes cabalistiques, calculs, chiffres, symboles chinois et digressions multiples autour de défis mathématiques que se lancent les membres de la bande à Ethan. Un four-tout dans lequel on trouve aussi ce qui pourrait être assimilé à un hommage aux romans exigeant de David Peace : de pleines pages de considérations mentales, affichages de pensées fugitives, sans marge, texte essoufflé et essoufflant.
On connaît Coupland pour sa capacité à immerger ses textes dans le réel de ses personnages et à ce titre, la sortie en 2007 de Eleanor Rigby était un véritable chef d’œuvre. Dans JPod, l’exercice est poussé à son extrême, ce qui est en soit l’intérêt majeur de ce roman. Sans ça, le quotidien d’une bande de programmeurs informatique serait d’un relatif ennui. Car on ne peut pas dire que l’histoire de JPod soit particulièrement prenante. Ethan est un garçon sympathique à qui il arrive pas mal de mésaventures, soit, mais ces mésaventures tiennent sur moins de deux cent pages. Meurtres, drogues, exploitation d’immigrés chinois, karaoké, on a vite fait le tour. Pour qui se soucie peu des Nintendo et autres PSP, cette chronique du monde des geeks pourrait paraître peu attractive. Seulement voilà, Coupland est Coupland, c’est bien ficelé, drôle à souhait, hérissé de dialogues et de personnalités impeccables. Roman sur une entité sociale comme le fut en son temps Génération X, JPod trouve son équilibre dans le déséquilibre, dans la déstructuration et offre au lecteur effrayé par l’épaisseur du volume la possibilité de sauter joyeusement un nombre conséquent de pages, puisque certaines, par poignées entières, affichent des rangées infini de chiffres (comme par exemple le million de nombres connus après la virgule de pi).
Néanmoins, dès les premières pages, quelque chose nous revient en mémoire qui nous avait déjà plus ou moins marqué avec Eleanor Rigby. Cette espèce de détachement dans la narration, cette ironie sous-jacente, emprunte de formules lapidaires, comme des mantras destinées à marquer la lecture et à être, qui sait, transportées hors des pages par le lecteur. Oui, Coupland, ici, redouble d’aphorismes. Des aphorismes qui nous font penser à ceux dont Chuck Palahniuk a usé jusqu’au dégout stylistique avant de sombrer corps et bien dans le pénible A l’estomac paru en 2006 chez Denoël, un roman qui décodait tellement l’écriture de son auteur que celui-ci en devenait transparent puis fade. Déjà Eleanor Rigby nous faisait penser à Journal Intime (qui reste malgré tout, l’un des meilleurs Palahniuk)
Alors quoi sur JPod ? Et bien on ne sait pas. Tout simplement. Aujourd’hui, le Labo est partagé entre le plaisir de cette lecture et l’étrangeté du rien qu’elle raconte dans un écrin très bien étudié, la sensation d’avoir été embarqué dans un livre à effets où finalement ce rien aurait pu tenir dans peu de pages, une novela peut-être. Cette sensation est d’autant plus prégnante que la conclusion nous laisse plutôt songeur, Coupland se mettant lui-même en scène, en grand organisateur d’un nouveau destin pour ses geeks, un nouveau destin qui ne change rien au précédent, ne fait avancer personne, n’apporte rien de nouveau.
JPod
Roman canadien de Douglas Coupland
Traduit de l’anglais par Christophe Grosdidier
521 pages – Au Diable Vauvert - 2010
Roman canadien de Douglas Coupland
Traduit de l’anglais par Christophe Grosdidier
521 pages – Au Diable Vauvert - 2010