Charles Ashby fait partie de cette communauté d’Anglais qui ont émigré en France et élu domicile dans la verdoyante Dordogne. Il y a deux sortes d’Anglais dans cette contrée : ceux qui n’auront jamais les moyens financiers soit de repartir, soit de rester ; et les riches. Ashby est un entre deux : c’est un parvenu. Contrairement à certain de ses compatriotes, il n’est pas venu en Périgord pour acheter une fermette et la transformer en cottage, il a acheté un château. Et tout récemment, il s’est adjoint les services d’une gouvernante assez sexy : Helen. Autour de Charles se pressent une petite cour regroupant sa fille Sue Ashby, son neveu, George Hunter, son toubib et ami Fletcher et sa femme Jane. Et en fond d’image un jardinier et un homme à tout faire. Tous le détestent copieusement et chacun pour une bonne raison. Lorsque Charles Ashby meurt dans des circonstances qui paraissent à priori médicalement naturelles, on se demande évidemment qui l’a tué.
Le who done it. C’est un genre policier à lui tout seul, largement préempté par Agatha Christie puis par le Cluedo, où il s’agit de trouver l’assassin d’un des personnages. Un sport cérébral, rendu encore plus combatif par Gaston Leroux qui fut l’un des créateurs du meurtre en chambre close.
Voilà à quel jeu s’amuse Louis Sanders dans ce cinquième roman paru en septembre à La Table Ronde. Un jeu, oui, dont cet auteur franco-anglais, vivant lui-même en Dordogne, grand observateur de ses contemporains et véritable spécialiste des Anglo-Périgourdins en milieu naturel, semble prendre un puissant plaisir. Un jeu et surtout un exercice de style très serré. Avec sa précédente trilogie, parue chez Rivages (Février, Comme des hommes et Passe temps pour les âmes ignobles), Sanders nous entrainait dans des histoires plus ou moins sordides, tranches de vie désespérées, études sociales du british s’inventant un passé à la hauteur de ses rêves ou de ses illusions et venant en France pour jouer une comédie dont lui seul connaît les ficelles. Dans cette Vie et mort des plantes toxiques, il rajoute donc l’intrigue centrale d’un homme qui va mourir et que chacun des personnages qui l’entoure à une bonne raison de tuer.
A la manière d’un bon Chabrol, c’est assez jubilatoire, même si ça ne se fait pas sans peine. Si la scène d’exposition est assez bien posée, les premières pages de ce roman prennent brusquement un lourd retard. On comprend rapidement que Sanders ne désire pas dire trop tôt qui va mourir, alors il s’attarde sur les bassesses de la petite cour d’Ashby. La description de ces personnages prend alors un tournant un peu empesé, qui fait penser aux dramatiques télé de la BBC des années 70. Quelques dialogues manquent cruellement d’ambition, on est dans le dire plus que dans le style, là où la plume de Sanders est habituellement agréable de sécheresse. Puis, l’histoire rebondit, la bête meurt, et la police enquête.
Ceux que le lecture des who done it ne rebute pas, trouveront là de quoi se creuser la cervelle, même si l’intrigue, tout compte fait, trouve rapidement une piste plutôt facile à suivre. Ceux qui aiment Sanders, lui pardonneront ce détour, le trouveront même logique dans une lignée de récits qui trouve ses racines dans un amour immodéré pour l’Angleterre, sa vie et son œuvre.
Vie et mort des plantes toxiques
roman de Louis Sanders
254 pages – 2009 – La Table Ronde
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