La terre vue du David Pujadas (épisode 3) :
Potentiel de la trappe Hadopi

Les lecteurs nous écrivent en nombre pour avoir des nouvelles de notre petit satellite espion. La rédaction s’excuse de ne pouvoir suivre le 20 heures quotidiennement. Il y a quinze jours pourtant, un évènement s’est produit sur notre petite planète.

Le petit satellite espion qui survole notre monde à 1,65 mètres du sol n’est cette fois pas vraiment mis en cause. Quoique. Le mercredi 4 novembre, nous apprenions par la voix de David Pujadas, au journal de 20 heures de France 2 qu’à l’appel de la Fédération Nationale des Cinémas Français, les salles obscures éteignaient entre 18 et 19 heures, leurs enseignes.

Pourquoi une telle fronde électrique en totale opposition avec le plan de relance par la consommation voulue par notre cher gouvernement ? Parce que la fréquentation des cinémas va de plus en plus mal. Et pourquoi va-t-elle de plus en plus mal ? Pour deux raisons essentielles.

La première : le piratage des films sur internet. Air connu : figurez-vous qu’une grande internationale de gougnafiers met à disposition sur le net et gratuitement, les films au moment de leur sortie en salle. Parfois même avant leur sortie. Du coup, le spectateur reste chez lui et profite de son larcin sur son bel écran plat, histoire de rentabiliser l’investissement. A choisir entre une séance à 10 euros en compagnie d’une bande de bouffeurs de pop-corn et la tranquillité de son salon, cette espèce de salopard égoïste ne se pose pas la question trois heures (temps moyen nécessaire au téléchargement d’un film avec une bonne connexion ADSL)

La seconde : parmi la foultitude de textes qui forme la fameuse loi Hadopi – contrefeu gouvernemental concocté par une bande de députés et de lobbyistes, pour empêcher les pirates en question de ruiner la production culturelle en la volant – il y en a un qui permet désormais à un film d’être exploité en DVD quatre mois seulement après sa sortie en salle. Résultat des courses, à choisir entre une séance de cinéma à 10 euros en compagnie d’une bande de bouffeurs de sucres rapides et le confort d’un visionnage à domicile, le gentil consommateur est volontiers prêt à attendre quatre mois, à condition évidemment qu’on ne le tente pas avec un bon petit piratage immédiat.

Décryptons cette seconde cause. Et notons déjà qu’au cours des mois écoulés, quand il était question quotidiennement de nous faire entrer dans le crâne que Hadopi c’était la panace en matière de lutte contre le piratage, personne, et encore mois David Pujadas, n’a cru bon d’informer le peuple qu’un tel raccourcissement du temps d’exploitation des films en salle faisait parti du texte. Quand on voit que la Fédération Nationale des Cinémas Français attend le 4 novembre 2009 pour appeler à manifester alors que la loi Hadopi a été adoptée au mois de juin, c’est à se demander si ses instances de la FNCF étaient elle-même au courant qu’un tel truc allait leur tomber sur le coin de la gueule.

Rappelons un peu l’histoire de l’exploitation des films de manière non exhaustives. Au départ, lorsque Canal+ s’est mis en route, le délai d’exploitation des films en vidéo après leur sortie était de 18 mois. Il est rapidement passé à 12 pour la vidéo, puis à 12 pour la télé contre 10 pour la vidéo. Et finalement, sous la poussée de tout ce petit monde, l’année dernière, on en était arrivé à 6 mois. Autant dire, rien.

Voici donc Hadopi et ses quatre mois. Que veut faire la loi exactement ? Elle prétend déjà vouloir sauver l’industrie du disque en clouant les voleurs au pilori sans même en avoir réellement les moyens, et chacun comprend qu’elle est principalement destinée à sauver les grosses majors. La voilà maintenant qui prétend vouloir sauver le cinéma en offrant à nouveau un jolie cadeau aux grands sociétés qui trustent à elles toutes seules toute l’exploitation du circuit des films : Gaumont, UGC et consort, possèdent chacun leur circuit d’exploitation. Ils sont producteurs, exploitant de salles, distributeurs et éditeurs de DVD. Le raccourcissement du délai entre la sortie en salle et la sortie en DVD est tout bénéfice pour eux. L’actualité du produit sur quatre mois permet presque de faire des économies sur la communication. Et si ça continue comme ça, dans peu de temps, il se passera ce qu’il se passe aux Etats Unis depuis des lustres, où un bon nombre de films tournés montés ne passent même plus par les salles mais sortent directement sur le marché vidéo. Au moins, la concurrence est dézinguée.

Mais le pirate lui ? Preuve que cette loi est définitivement une gabegie à l’usage de la puissance commerciale, la sommité de protections qui est mise en place ne fait que conforter le marché de la diffusion illégale. Aujourd’hui, quand un film sort sur les écrans, la qualité du même film mis en place sur le net par des petits malins qui trainent du coté des laboratoires de développement et récupèrent les DVD à destination de la presse, laisse souvent à désirer. Généralement, cette qualité s’améliore au bout de quelques mois quand arrive la version DVD. Maintenant que la chaine est raccourcie, la qualité sera immédiate puisque les éditeurs commenceront à travailler sur la copie numérique alors même que le film est encore à l’affiche. Donc, on aura à disposition sur la toile, un support de qualité qui ira très bien avec l’écran plat du salon, pas besoin d’aller au cinoche et pas besoin d’acheter le DVD à sa sortie.

Et puis vous avouerez quand même que devant l’énormité de la chose, trouver comme type de manifestions l’extinction d’une ribambelle de néons à travers le territoire pendant 60 minutes, c’est quand même d’une mollesse extraordinaire.