Potentiel du prix littéraire autogéré :
« Tremblement de terre » de Larif Marsik


Premier roman d’un Turc approchant la quarantaine qui nous raconte le tremblement de terre d’Istanbul en août 1999. Du bon polar, un peu touristique, presque calme mais bien torché. Et déjà affublé d’un prix.

Le 17 aout 1999, à Istanbul, Orkan est inspecteur de police, Mehmet est un dealer échappé de Berlin, et Sibel est infirmière de la Croix Rouge en partance pour la Turquie. Cette nuit-là, la terre tremble et ravage les environs de la ville. Il y aura plus de 16 000 morts dans cette catastrophe. Parmi eux, Orkan va en trouver un, la gorge tranchée. Et jeter son dévolue sur lui.
Sur la 4ème de couverture, comme seules informations concernant ce nouveau Larif Marsik, nous apprenons qu’il est né dans les années 70, qu’il vit à Istanbul, qu’il gère des cybercafés et s’occupe d’une galerie d’art. Si l’on s’en réfère à ça, Marsik est un type peinard avec un bon avenir devant lui : l’art n’est pas prêt de se casser la gueule, sans parler d’internet.
Ceci posé, on comprend peut-être mieux la lenteur presque contemplative des trois quarts de ce premier roman. Une lenteur qui colle parfaitement à l’état d’esprit dans lequel on découvre cette capitale touristique, mégalopole à cheval sur deux continents, dans laquelle le Stambouliote semble, finalement, assez peu perturbé par le cataclysme qui vient de s’abattre sur le pays. Je ne connais pas suffisamment les Turcs pour en juger, mais à travers les yeux de Marsik, le tremblement de terre ne semble pas les avoir ébranlé. La ville poursuit sa cadence infernale et, métaphore de cette relative indifférence – orchestrée tout du long par cette répétition fataliste « Allah nous met à l’épreuve » - l’inspecteur Orkan se souci plus des raisons qui ont mené à l’assassinat d’un jeune garçon, que du sort de ses concitoyens. Et sa cousine Sibel, fraichement débarquée de Paris pour assister un médecin dans le repérage des besoins humanitaires, profite de l’aubaine pour évacuer les visions d’horreur qu’elle vient de traverser en prenant quelques jours de vacances.
Oui, Istanbul, chez Marsik, continue de vivre après le 17 août 1999. La Mafia (ici maffya) se prépare de beaux lendemains avec un marché de la reconstruction aux perspectives grandioses, et les Islamistes aux manettes de la mairie semblent partager les mêmes appétits. Le survol descriptif de la société stambouliote tout au long de ces trois cent cinquante pages est un habile mélange de genre, allant du guide touristique (splendeurs et misères de la ville, commerces, discothèques, vendeurs des rues, mosquées et jardins), à l’intrigue politico-sociétale (revue assez précise des affaires du pays, des incursions répétées de l’Islam dans la laïcité, de l’état de la criminalité) en passant par la chronique amoureuse (Sibel, naviguant entre un compagnon français en fin d’espoir et Mehmet, le beau turco-allemand, amant attentionné mais amoureux insatisfaisant). Ce mix assez subtil trouve un final presque décevant, servit par une dernière scène trop rapide mais très haletante. Après une déambulation assez calme sur près de trois cent pages, l’inspecteur dénoue subitement, trop subitement, le fil et découvre qui, quoi et comment. Seul le point final rachète cet unique manquement par une noirceur que l’on attendait ou pas.
« Tremblement de terre » récolte au passage un prix. Le propre d’un prix littéraire est de booster les ventes. Celui du Roman d’Aventure fut créer en 1930 par les éditions du Masque. Surprenant qu’il soit remis à un livre publié chez l’éditeur récompensant ? Pas le moins du monde. En bientôt quatre-vingts ans d’existence, ces lauriers ont été remis pas moins de soixante sept fois au Masque. Ils auraient tord de se priver. Ce premier roman se vend comme des petits pains. Il y a des auteurs confirmés dans le polar français qui peuvent en prendre de la graine…

Tremblement de terre (Istanbul, 17 août 1999)
Roman turc de Larif Marsik
Traduction Julide Kizilkale
Prix du Roman d’Aventure, donc – 350 pages – Le Masque 2009

("Tremblement de terre" ici)