Lundi 23 Novembre, ça chie dans la colle au Sénat : dans un grand élan de démocratie participative, les locataires du Palais du Luxembourg ne sont pas content du tout. Ils votent le rétablissement de la TVA à 19,6 pour les restaurateurs français. Mardi, la fronde repart se coucher après avoir finalement tout remis à 5,5.
En buvant une bière, un après midi, sous le soleil de septembre parisien, à la terrasse d’une brasserie à deux pas de l’Olympia, j’ai eu tout loisir d’observer, puis de photographier la carte du restaurant qui se trouvait juste derrière mois, peinte sur un panneau noir. Je vous conseille, cher lecteur, de cliquer sur cette photo afin de l’agrandir et d’y lire ce que j’y ai vu. Vous noterez la candeur je-m’en-foutiste du patron de l’établissement lorsqu’il a réactualisé les prix des consommations de son établissement. Il aurait dessiné à la place sa propre caricature en train d’enfiler son membre turgescent dans le fondement d’un client lambda, qu’il n’aurait pas parlé plus clairement.
Comme vous pouvez le constater sur cette image – répétée trois fois sinon, ce n’est pas drôle – on voit avec quelle discrétion provocatrice, ce bénéficiaire de la chute de la TVA sur la restauration a appliqué à la lettre l’état d’esprit avec lequel la France des tauliers a accueilli cette bonne nouvelle. Je présume qu’avant la date d’application des 5,5%, son assiette anglaise était à 14,50 € ; quant au brunch, c’est on ne peut plus lisible, il était à 16 € tout rond. A-t-il refait une carte pour masquer l’augmentation scélérate ? Pour quoi faire ? Ca coute chère une ardoise neuve, vous vous rendez pas compte ! Un bon coup de scotch noir là-dessus et, à la hussarde, je te remets un coup de craie par-dessus et si le chaland s’en rend compte, c’est fait exprès, on lui pisse à la raie.
Sans doute, nos amis sénateurs ont-ils, eux aussi, profité du redoux de l’automne pour venir garer leurs déambulateurs devant cet estaminet du centre de Paris ô combien représentatif de ses coreligionnaires. Et c’est là qu’ils ont eu la révélation. Bon sang, c’est tout de même incroyable une telle provocation ! On leur file deux milliards et ils se torchent le cul avec ! Vite, rentrons au Sénat et prenons quelques semaines pour réfléchir à tout ça et nous fâcher très fort.
Ils ont du cran, nos sénateurs. Ils ont cru, subitement, que parce que notre président avait modifié la constitution pour augmenter le pouvoir des parlementaires, ils allaient enfin ouvrir leur gueule pour exprimer leur rancœur. Et voici donc que le 23 novembre advient et qu’ils annoncent qu’ils ont pris une immense décision : la TVA à 5,5, c’est terminé, les restaurateurs se sont assez foutus de notre gueule, on remet tout à 19,6 et si ça hurle, et ben ça hurlera ! Pas d’embauches, les prix du boudin purée toujours indexé sur le cour de la truffe blanche, dans les cuisines, des Maliens toujours pas augmentés. Allez, fini la récré, on rentre dans le rang et vous nous rendez les 2 milliards ! Non mais sans déconner.
Ca a dû sacrément gueuler au Sénat. Parce qu’ils en ont même entendu parler jusqu’à l’Elysée. En témoigne la réaction très calme et très posée du président qui a reconstitutionnalisé la constitution : « Jamais je ne reviendrai sur la baisse de la TVA sur la restauration (…) Les buralistes, les restaurateurs sont des gens qui travaillent extrêmement dur, qui ne demandent rien (…) qui font du lien social dans nos campagnes, une promesse leur a été faite par mon prédécesseur, vous voyez où j’en suis, je tiens même les promesses des autres (…) J’ai obtenu de l’Europe, ce qui n’a pas été simple à obtenir, de pouvoir baisser la TVA (…) j’estime que ce n’est que justice pour les gens qui travaillent dur (…) Je l’avais promis, nous l’avons fait. »
Alors bon, c’est vrai, les sénateurs n’avaient pas encore vraiment voté leur texte. Ils avaient juste rejeté l’amendement. Je ne sais pas très bien comment ils ont fait pour qu’on s’intéresse comme ça à eux alors qu’ils n’avaient même pas sortie les urnes, toujours est-il que quand il a s’agit de s’y mettre pour de vrai, ils ont beaucoup moins fait les malins. Ok, d’accord, c’est bon, la TVA reste à 5,5. Mais, on vous averti, on rigolait pas, hein ? C’était un avertissement. La prochaine fois, vous verrez, on criera encore plus fort, alors y a intérêt à ce que vous fassiez des efforts. On est bien d’accord ? Regardez-nous quand on vous parle. C’est d’accord ?
Le seul truc maintenant qui préoccupe les restaurateurs, après ce grand fou rire qu’ils ont dû arroser au Beaujolais Nouveau, c’est la dernière déclaration du Ministre du Travail. Lui aussi, très en colère : attention, je vais fermer toutes les entreprises qui emploient des immigrés sans papier ! Je vous averti. A mon avis, dans une semaine, ils ressortent les chopines et ils se remettent à rire.