Potentiel de la paranoïa globalisée :
« La route de Gakona » de Jean-Paul Jody

Infos ou intox : le dernier roman policier de Jean-Paul Jody joue sur une partition un peu serrée entre théorie du complot et vérité scientifique. Un objet un peu insaisissable…

Un gentil grand père de la région de Nantes est retrouvé pendu par sa femme. Celle-ci déclare aux enquêteurs que son époux n’avait aucune velléité suicidaire. Tout comme n’en avaient pas les autres victimes, de part le monde qui, à la même période, se retrouvent aussi « suicidés ». A cela, une raison : elles ont toutes eu entre les mains le même brevet scientifique. Voici donc le détective Kinscoff sur la piste d’un binôme américain qui fait la chasse aux récipiendaires de ce fameux brevet, brevet qui circule plus vite qu’eux, via internet. Mais que se cache-t-il réellement derrière tout ça ?

Voici (très en retard, mais on va prétendre qu’il est sorti hier, d’accord ?) le cinquième roman de Jean-Paul Jody, un petit pavé de presque 500 pages, qui nous entraine sur les cinq continents à la poursuite d’un mystérieux brevet et surtout d’un programme scientifique très troublant, surnommé HAARP. On retrouve Kinscoff et Melchior, les deux détectives déjà croisés dans La position du missionnaire et surtout ce qui compose habituellement les romans de Jody : une solide documentation.

Alors qu’est-ce qu’on apprend sur cette Route de Gakona ? C’est assez flou dans l’ensemble, bien que très illustré par tout un fatras d’explications. La thèse principale semble être la capacité d’influer sur le climat. Cela grâce à des ondes électromagnétiques que l’on aurait le pouvoir de faire rebondir sur la ionosphère afin d’aller frapper un pays à l’autre bout du globe. Ce même système qui ressemble d’assez près au principe du four à micro-ondes, pourrait aussi modifier le comportement des populations, provoquer des tremblements de terre, des séismes sous-marin, bref, mettre en péril la stabilité d’un état sous couverture d’une catastrophe naturelle. D’où provient cette thèse de science fiction qui agite déjà l’humanité depuis qu’il y a des nuages dans le ciel ? De Nikola Tesla, l’inventeur entre autre du courant alternatif, qui travailla jusqu’à la fin de sa vie sur le transport de l’énergie par la voie des ondes. Kinscoff, affublé d’une jolie demoiselle, se retrouve donc à courir partout pour retrouver la trace de ce mystérieux projet HAARP.

Le problème de Gakona, et c’est une première dans les bouquins de Jody, c’est que la somme de documentations mises en scène dans cette histoire devient peu à peu gênante. Le mélange entre des faits avérés et des informations dont il est dit qu’elles proviennent de la rumeur populaire, de blogs rédigés et suivis par des fans du grand complot international jette peu à peu le trouble. Si l’enquête reste passionnante et haletante tout au long du récit, on ne sait pas bien comment se positionne Jody par rapport à la thèse de son histoire.

Dans La position du missionnaire, il s’engageait sur le terrain miné de la position française pendant les massacres du Rwanda. Dans Chères toxines, le travail de fond sur l’industrie pharmaceutique étant probante. Avec Gakona, on ressort un peu dubitatif, un peu frustré par une histoire qui dépasse ses propres protagonistes et n’apporte ni démenti, ni preuve à ce qui ressemble finalement à un courant de pensée remis au gout du jour après les attentats du 11 septembre 2001.

Mais peut-être est-ce là le but de Jody. Semer le doute.

PS: L'ami Jody vient de me faire passer ce petit lien (ici) un blog qu'il a ouvert à l'usage du lecteur dubitatif ou éclairé sur son sujet. A suivre de près donc, les auteurs qui se crèvent à faire le service après vente sont suffisamment rares pour passer à coté.


La route de Gakona

Roman de Jean-Paul Jody

482 pages – 2009 – Seuil

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