Thomas Gunzig est Belge, aura bientôt 39 ans et collectionne quelques unes des pages les brillamment drolatiques et bordeliques de ce début de siècle. Allons-y franco, ça ne nous fait pas peur.
Fleurons des Editions du Diable Vauvert, il a sortie au mois de septembre Assortiment pour une vie meilleure , le survol en 500 pages une demie décade de nouvelles, de traités sociétaux et de pièces de théâtre. L’occasion pour le Labo d’aller voir avec lui s’il est content de son boulot ou si comme nous, il trouve que temps à autre, ça pourrait aller encore mieux.
Le PetLabPotGlob : L’un des premiers auteurs auquel j’ai pensé en lisant pour la première fois l’un de vos livres (Le plus petit zoo du monde) c’est Richard Brautigan. Quelles sont vos inspirations ?
Thomas Gunzig : Hé bien, Richard Brautigan par exemple... Il fait partie des auteurs qui m’ont beaucoup marqué.… Retombées de Sombrero et Un Privé à Babylone en particulier. Les autres auteurs que j’aime sont un peu du même tonneau : John Fante, Charles Bukowski, Raymond Carver... Mais je crois que j’ai aussi été très influencé par le cinéma... Par tous ce que je vois depuis que j’ai la télé. De Goldorak au Festin de Babette...
PLPG : Quand on lit vos bouquins, on a l’impression que votre principal souci, c’est de fabriquer des sortes d’ovnis littéraires lancés un peu au hasard. Comment est-ce que vous travaillez ? Est-ce que vous hyperstructurez vos textes ou est-ce que vous écrivez d’une traite pour voir où ça vous mène ?
TG : Je dirais d’un trait, pour savoir où ça mène. Parfois ça mène à un endroit intéressant, parfois ça ne mène à rien. Quand ça ne mène à rien, j’arrête en cour de route. Je retravaille assez peu, une ou deux grosses relectures de fond après le premier jet et voilà. Ceci dit, je ne vais quand même pas très vite... Je n’arrive que très difficilement à travailler sur le même texte plus de 2 ou 3 heures dans la même journée.
PLPG : Comment c’est passé la rencontre avec Le Diable Vauvert autour de votre premier texte ? Et plus généralement, comment se déroule votre travail avec cet éditeur ?
TG : J’ai rencontré Marion Mazauric au moment où elle lançait le Diable. Elle venait de chez J’ai Lu, elle m’avait publié. Elle m’a demandé si je voulais la suivre. Je devais pour ça quitter Julliard qui avait publié mon premier recueil. C’était il y a presque 10 ans, j’étais jeune, je m’étais dit que j’avais encore l’âge ou l’on tente ce genre d’aventure. Je ne l’ai (presque) jamais regretté.
PLPG : A la lecture d'Assortiment pour une vie meilleure, la critique de la Belgique qui transparait dans certains des textes et saute à la gueule dans d’autre, donne l’impression d’un auteur en train de divorcer d’avec sa terre natale.
TG : Pas du tout. J’aime bien mon petit pays tout pourris.
PLPG : On découvre aussi dans les textes d'Assortiment, un Gunzig beaucoup plus acerbe sur les questions sociales. Quelque chose qui n’était jusque-là qu’ébauché, même dans Kuru, qui met pourtant en scène une bande d’altermondialistes au sommet du G8 à Berlin.
TG : Ah oui ? Bon... Je ne sais pas... Ca doit être un accident... Je n’aime pas quand les auteurs font de la politique et que ça se voit...
PLPG : C’est quoi la pire critique qu’on ait pu vous faire ? (Je me permets cette question crétine parce que les trois qui suivent seront des critiques à peine larvées…)
TG : Pfff... Je ne sais pas... Je me souviens de ma toute première critique où le type disait en gros que je ferais mieux de faire autre chose. En réalité, les pires critiques, je crois que je me les fait tout seul. Je me trouve souvent pleins de tics, sans élégance, maladroit, traitant de sujet un peu vain... Les autres critiques, celles des journalistes, me semblent toujours gentilles à côté de ce que je pense parfois de mes livres...
PLPG : Dans Assortiment toujours, on a un peu l’impression de lire la compilation des nouvelles d’un graphomane qui travaille plus son style que ses sujets. Une sensation que l’on avait aussi un peu avec Kuru.
TG : Graphomane certainement pas. Je n’aime pas du tout écrire. Quand au travail sur le style, c’est vrais que je le travail beaucoup mais pour qu’il ne se voit pas trop. Avec le recul, je me rend compte que ma réponse est paradoxale : mes premières nouvelles et mes romans sont remplis de scories stylistiques. Je suis le premier que ça dérange. Ceci dit, les sujets (des romans en tout cas) j’y travail quand même beaucoup...
PLPG : Je vous trouve très à votre aise dans la nouvelle. Ces formats semblent vous permettre le plus illustre des non-sens, une littérature de l’absurde. Et à contrario, dans vos romans, le même type d’écriture semble avoir du mal à se dissoudre dans la longueur. Est-ce que je me trompe ?
TG : Non, vous ne vous trompez pas. Je travail beaucoup à trouver un style plus adapté au roman.
PLPG : Prenons l’exemple de 10 000 litres d'horreur pure. On lit le 4ème de couverture et on se dit : « Whoua ! Gunzig s’empare du slasher pour ado, ça va déboiter. » Et en fait, rapidement, on s’aperçoit qu’on lit un slasher assez classique sans bien percevoir Gunzig derrière. Est-ce que vous n’avez pas l’impression de vous diluer dans le roman et d’y perdre un peu de votre singularité ?
TG : J’essaye que ce ne soit pas le cas. Ce qui ne veut pas dire que j’y arrive. Mais si je n’essayais pas, je me demande bien à quoi bon continuer à écrire. Pour 10 000 litres, précisément, j’ai tenté l’exercice de style : disparaître totalement derrière un sujet et un style qui ne m’appartienne pas...
PLPG : Quand on vous lit, on a plutôt tendance à se bidonner. Le style est très enviable et l’érudition qui transparait dans la plupart de vos textes est très jubilatoire. Il sort d’où Thomas Gunzig, exactement ?
TG : Bruxelles Sud. Enfance tordue et bourgeoise. Adolescence avec plein de malheurs sans aucunes grandeurs durant laquelle j’ai toujours désiré des filles beaucoup trop belle pour moi. Vie d’adulte juste en équilibre en les ratages et les réussites. Je prévois un gros bilan pour l’année prochaine.
PLPG : On raconte une anecdote assez musclée sur vous. Il paraitrait qu’au salon du livre de Bruxelles en 2008, vous auriez joué les droits d’un bouquin nommé Carbowaterstoemp sur un combat de karaté en public contre votre ancien éditeur, Luc Pire. C’est quoi cette histoire ?
TG : Je voulais récupérer les droits de ce livre dont les nouvelles se retrouvent aujourd’hui dans Assortiment. Il ne voulait pas. J’étais à deux doigts d’aller en justice mais cette idée me dégoutait. Et puis j’ai entendu dire qu’il était ceinture rouge de Tae Kwon Do. Comme moi même j’étais ceinture marron de Karaté (ce sont deux styles assez proches), je me suis dit que j’allais lui proposer un combat. Il a accepté. On s’est battu à la foire du Livre de Bruxelles, sur son stand. J’ai pris quelques coups, j’en aie donné aussi. J’ai fini par gagner sur abandon au second round. Avec le recul ça reste un très chouette souvenir même si le combat n’a pas été aussi beau que je l’aurais voulu.
PLPG : Aujourd’hui, sur la couverture de votre dernière parution Assortiment pour une vie meilleure, on découvre le sous-titre Carbowaterstoemp. A l’intérieur, on trouve de la novela, de la novelette, de la nouvelle et puis aussi du théâtre. Cinq cent pages d’une sorte de compilation survolant cinq années d’écriture. D’où est venue cette idée de fabriquer un tel livre ?
TG : Une simple envie de rassembler pleins de texte sous un même toit.
PLPG : C’est quoi l’avenir immédiat ?
TG : Un scénario, un autre scénario et encore un troisième scénario. Un roman pour dans six mois. Assurer les chroniques du Soir et du Jeu des Dictionnaires. Donner mes cours de littérature. Payer mes factures.
PLPG : Merci, Thomas et au nom du Laboratoire, bonne continuation.
A lire donc :
Mort d’un parfait bilingue, roman – 2001 – Au Diable Vauvert
Le plus petit zoo du monde, nouvelles – 2003 – Au Diable Vauvert
Assortiment pour une vie meilleure, nouvelles – 2009 – Au Diable Vauvert