Portrait un rien en retard de l’un des plus grands auteurs de polar américain totalement ignoré du public français. Mais au PetLabPotGlob, à défaut d’être rigoureux sur les parutions, on garde néanmoins le cap : fourguer quelques cames franchement addictives.
« La Floride est devenue soit une zone de non droit romantique, soit un endroit dangereusement stupide, souvent même les deux à la fois, ; c’est Casablanca sans le bon sens, Dodge City avec encore plus de flingues au mètre carré ; l’Etat où on vous sert la triste histoire du petit Elian Gonzales au JT du soir pendant neuf mois d’affilé, l’Etat qui a changé la face d’une élection présidentielle avec une poignée de bulletin… » Voilà comment débute Triggerfish twist, l’un des dix romans de Dorsey dont seulement cinq ont pour le moment franchi l’Atlantique, grâce à la pugnacité de François Guerif et des éditions Rivages.
L’Amérique nous pond fréquemment des écrivains totalement barrés mais à part Westlake et Leonard, ça ne tient jamais la route très longtemps. Palanhiuk se noit de plus en plus dans les stéroïdes, Christopher Moore à la longue ça mollit, Himes il est mort, reste Dorsey, les autres je ne les connais pas ou alors, je n’aurais pas la place ici.
Alors c’est quoi au juste, Dorsey. D’abord, vous ne l’avez peut-être pas tout à fait compris, c’est la Floride. Exclusivement la Floride. Et à chacun de ses bouquins, la Floride est de pire en pire. Et puis il y a Serge A Storm, son héro : quarante balais, totalement schizophrène, ce type est tellement passionné par l’histoire de la péninsule que même lancé à la poursuite des types qui lui ont fauché les cinq millions de dollars après lesquels il court depuis si longtemps, il est obligé de s’arrêter pour photographier tous les monuments commémorant la Floride. Et il sait s’entourer, Serge. Toujours de bons copains, la plupart du temps complètement camés et jamais avares d’une grosse connerie. Parmi eux, on trouve Sharon, la maîtresse de Storm cocaïnomane et strip-teaseuse émérite, et Coleman, acolyte télévore bedonnant et philosophe. Ces deux-là introduisent à merveille les quatrièmes aventures de Serge quand, dans le premier chapitre de Triggerfish Twist, ils foutent le feu au centre historique de Tampa juste en faisant tomber une boulette de crack sur la moquette de leur maison d’accueil.
Les histoires de Tim Dorsey sont littéralement impossibles à raconter, ça tient du grand n’importe quoi : des retraités qui fomentent une révolution contre un promoteur immobilier ; des participants au concours international des sosies d’Hemingway ; un auteur de polars raté qui redevient à la mode parce qu’un petit libraire de Miami se sert de ses bouquins pour dissimuler la cocaïne qu’il vend à ses clients ; et pour ne citer qu’elle, l’énorme scène de fin de Hammerhead Ranch Motel (second opus de la collection) où Serge A. Storm, désarmé et enfermé dans un hôtel en pleine tempête tropicale, met en déroute une armée de gangster en se servant de la bande son de Key Largo qui passe justement à ce moment sur une chaine du câble.
Il y a du Matt Groening dans Dorsey, la Floride ressemble au Springfield des Simpsons, on navigue en aveugle dans une foultitude d’intrigues qui n’en sont pas vraiment mais qu’importe, l’essentiel étant que ça vole en éclats toutes les trois pages et qu’on se gondole toutes les trois lignes. Du Tom Sharpe aussi, l’imbécillité régnante dans ce quorum de débiles n’est pas sans rappeler les meilleurs idiots de la série des Wilt. Et comment ne pas penser non plus à John Kennedy Toole dans ces portraits décadent d’une humanité hilarante.
Enfin, il y a surtout du Dorsey dans Dorsey, une dinguerie absolue et parfaitement maîtrisée, qui dévaste tout sur son passage, quitte à bouffer le mythe américain par le quignon. Dorsey passe son temps à remplir à raz bord des lavabos entiers avec ses dizaines de personnages avant d’ouvrir le siphon. Le travail du lecteur consiste alors à regarder ces gens descendre vers l’inéluctable feu d’artifice final. Une œuvre de plombier dont on aimerait qu’elle ne finisse jamais.
Las ! Malgré le talent d’exfiltration d’auteurs auquel se livre François Guérif depuis si longtemps, Tim Dorsey n’a visiblement pas trouvé son public en France. Résultat des courses, cinq romans (pour l’heure en tout cas) restent encore non traduits. D’un sens, c’est rassurant, on se dit qu’il reste encore de la came quelque part. D’un autre ça ne l’est pas. Face à la marée d’auteurs qui hantent notre planète de déjantés, quelle chance y a-t-il pour Dorsey sorte de l’anonymat commercial ? Alors vous aussi, adhérer au lobby pro-Dorsey, vous allez voir, à dose régulière sur deux ou trois jours, on devient vite accro.
PS : voir en suivant l’interview de Tim Dorsey réalisée par notre envoyé spécial à Tampa (oui, au PetLabPotGlog, on se donne les moyens de nos prétentions, figurez-vous !)
L’Amérique nous pond fréquemment des écrivains totalement barrés mais à part Westlake et Leonard, ça ne tient jamais la route très longtemps. Palanhiuk se noit de plus en plus dans les stéroïdes, Christopher Moore à la longue ça mollit, Himes il est mort, reste Dorsey, les autres je ne les connais pas ou alors, je n’aurais pas la place ici.
Alors c’est quoi au juste, Dorsey. D’abord, vous ne l’avez peut-être pas tout à fait compris, c’est la Floride. Exclusivement la Floride. Et à chacun de ses bouquins, la Floride est de pire en pire. Et puis il y a Serge A Storm, son héro : quarante balais, totalement schizophrène, ce type est tellement passionné par l’histoire de la péninsule que même lancé à la poursuite des types qui lui ont fauché les cinq millions de dollars après lesquels il court depuis si longtemps, il est obligé de s’arrêter pour photographier tous les monuments commémorant la Floride. Et il sait s’entourer, Serge. Toujours de bons copains, la plupart du temps complètement camés et jamais avares d’une grosse connerie. Parmi eux, on trouve Sharon, la maîtresse de Storm cocaïnomane et strip-teaseuse émérite, et Coleman, acolyte télévore bedonnant et philosophe. Ces deux-là introduisent à merveille les quatrièmes aventures de Serge quand, dans le premier chapitre de Triggerfish Twist, ils foutent le feu au centre historique de Tampa juste en faisant tomber une boulette de crack sur la moquette de leur maison d’accueil.
Les histoires de Tim Dorsey sont littéralement impossibles à raconter, ça tient du grand n’importe quoi : des retraités qui fomentent une révolution contre un promoteur immobilier ; des participants au concours international des sosies d’Hemingway ; un auteur de polars raté qui redevient à la mode parce qu’un petit libraire de Miami se sert de ses bouquins pour dissimuler la cocaïne qu’il vend à ses clients ; et pour ne citer qu’elle, l’énorme scène de fin de Hammerhead Ranch Motel (second opus de la collection) où Serge A. Storm, désarmé et enfermé dans un hôtel en pleine tempête tropicale, met en déroute une armée de gangster en se servant de la bande son de Key Largo qui passe justement à ce moment sur une chaine du câble.
Il y a du Matt Groening dans Dorsey, la Floride ressemble au Springfield des Simpsons, on navigue en aveugle dans une foultitude d’intrigues qui n’en sont pas vraiment mais qu’importe, l’essentiel étant que ça vole en éclats toutes les trois pages et qu’on se gondole toutes les trois lignes. Du Tom Sharpe aussi, l’imbécillité régnante dans ce quorum de débiles n’est pas sans rappeler les meilleurs idiots de la série des Wilt. Et comment ne pas penser non plus à John Kennedy Toole dans ces portraits décadent d’une humanité hilarante.
Enfin, il y a surtout du Dorsey dans Dorsey, une dinguerie absolue et parfaitement maîtrisée, qui dévaste tout sur son passage, quitte à bouffer le mythe américain par le quignon. Dorsey passe son temps à remplir à raz bord des lavabos entiers avec ses dizaines de personnages avant d’ouvrir le siphon. Le travail du lecteur consiste alors à regarder ces gens descendre vers l’inéluctable feu d’artifice final. Une œuvre de plombier dont on aimerait qu’elle ne finisse jamais.
Las ! Malgré le talent d’exfiltration d’auteurs auquel se livre François Guérif depuis si longtemps, Tim Dorsey n’a visiblement pas trouvé son public en France. Résultat des courses, cinq romans (pour l’heure en tout cas) restent encore non traduits. D’un sens, c’est rassurant, on se dit qu’il reste encore de la came quelque part. D’un autre ça ne l’est pas. Face à la marée d’auteurs qui hantent notre planète de déjantés, quelle chance y a-t-il pour Dorsey sorte de l’anonymat commercial ? Alors vous aussi, adhérer au lobby pro-Dorsey, vous allez voir, à dose régulière sur deux ou trois jours, on devient vite accro.
PS : voir en suivant l’interview de Tim Dorsey réalisée par notre envoyé spécial à Tampa (oui, au PetLabPotGlog, on se donne les moyens de nos prétentions, figurez-vous !)
A lire donc d’urgence avant d’envoyer votre bulletin d’adhésion et de recevoir votre ordre de mission de lobbyiste et l’adresse des Editions Payot Rivages
Florida Roadkill – 1999 – Trad. Laetitia Devaux – Rivages Noir
Où se forme le trio Storm, Sharon, Coleman autour d’une course poursuite infernale au cul d’une mallette contenant cinq millions de dollars…
Hammerhead Ranch Motel – 2000 – Trad. Jean Pêcheux – Rivages Noir
Où, toujours au cul des cinq bâtons, Serge tombe sur un motel particulièrement kitch, point de rencontre de quelques uns des pires psychopathes de la planète…
Orange Crush – 2001 – Trad. Jean Pêcheux – Rivages Thriller
Où le gouverneur républicain de Floride s’enrôle dans une campagne de réélection totalement à l’opposé des idéaux de son parti. Et Serge n’est jamais loin et toujours plus dingue…
Triggerfish Twist – 2002 – Trad. Jean Pêcheux – Rivages Noir
Où un cadre d’entreprise choisit de se faire muter à Tampa parce que les statisticiens ont placé la ville parmi les plus agréables du monde. Une simple confusion due à un stagiaire peu compétent en matière de chiffres. Avec Serge en voisin…
Stingray Shuffle – 2003 – Trad. Jean Pêcheux – Rivages Noir
Où Serge poursuit sa quête des cinq millions de dollars en compagnie du cartel de Mierda, du plus mauvais roman de toute la littérature américaine et de toute une panoplie de crétins enthousiastes…
Voir aussi le site comico-commercial de Tim Dorsey ici
Florida Roadkill – 1999 – Trad. Laetitia Devaux – Rivages Noir
Où se forme le trio Storm, Sharon, Coleman autour d’une course poursuite infernale au cul d’une mallette contenant cinq millions de dollars…
Hammerhead Ranch Motel – 2000 – Trad. Jean Pêcheux – Rivages Noir
Où, toujours au cul des cinq bâtons, Serge tombe sur un motel particulièrement kitch, point de rencontre de quelques uns des pires psychopathes de la planète…
Orange Crush – 2001 – Trad. Jean Pêcheux – Rivages Thriller
Où le gouverneur républicain de Floride s’enrôle dans une campagne de réélection totalement à l’opposé des idéaux de son parti. Et Serge n’est jamais loin et toujours plus dingue…
Triggerfish Twist – 2002 – Trad. Jean Pêcheux – Rivages Noir
Où un cadre d’entreprise choisit de se faire muter à Tampa parce que les statisticiens ont placé la ville parmi les plus agréables du monde. Une simple confusion due à un stagiaire peu compétent en matière de chiffres. Avec Serge en voisin…
Stingray Shuffle – 2003 – Trad. Jean Pêcheux – Rivages Noir
Où Serge poursuit sa quête des cinq millions de dollars en compagnie du cartel de Mierda, du plus mauvais roman de toute la littérature américaine et de toute une panoplie de crétins enthousiastes…
Voir aussi le site comico-commercial de Tim Dorsey ici