Peut-on ou doit-on ennuyer un auteur de SF avec des questions de style ? C’est la très complexe question que le PetLabPotGlob se pose aujourd’hui après la lecture du très bon dernier roman de Grégoire Hervier.
Dominique Dubois, tout cadre qu’il soit, n’en est pas moins un type moyen. Il vit moyennement de ses talents, il a moyennement trente ans, il se pose des questions moyennement existentielles et il est moyennement célibataire. Il le dit d’ailleurs lui-même dans son blog: « Je suis un type tout à fait commun, menant une vie tout ce qu’il y a d’ordinaire ». Mais tout moyen qu’il est, le voici sélectionné pour partir vivre et exercer son métier de statisticien dans la nouvelle métropole de Zen City, un endroit merveilleux, lové dans une vallée pyrénéenne, sorte de Sylicon Valley à la française où, une fois qu’on vous a implanté une puce dans la main, vous ne manquez plus de rien : frigo perpétuellement plein, coach personnel joignable 24/24, compte bancaire, protection physique, etc. On ne demande pas à Dominique Dubois d’être un type extraordinaire à Zen City. On lui demande juste d’être ce qu’il a toujours été : quelqu’un de moyen. Oui, seulement voilà, la médiocrité de l’existence ne fait pas tout. Et de moyen, Dubois va accidentellement se révéler gênant et coller une jolie zone dans la cité moderne.
Personnellement, je n’ai jamais été un grand lecteur de SF et d’anticipation. Je n’y trouve pas mon compte en terme de style et la plupart du temps, les auteurs finissent toujours par se prendre à leur propre piège, obligés qu’ils sont de raconter sur des centaines de pages pourquoi et comment le monde en 3456 en est arrivé à ce qu’il est. Seul Philip K. Dick a jusqu’à présent trouvé grâce à mes yeux, sans doute parce qu’il se défonçait et qu’il lui apparaissait plus important de nous imposer son histoire que de nous raconter pourquoi elle était aussi bordelo-poétique. J’avoue bassement m’en être tenu là et ne faire que quelques rares incursions dans le domaine.
Avec Zen City, Grégoire Hervier nous facilite la tache tout en se la compliquant. Le narrateur est un bloggeur et la plupart des choses que l’on apprend passe par le décryptage des post qu’il envoi quotidiennement sur son site. Cela a deux mérites : d’un, la rétrospective des évènements qui ont conduit notre époque à accoucher d’une cité où il est normal de se faire implanter un puce RFID, n’est pas rébarbative. De deux, question stylistique, Hervier se libère de la complexité de faire de belles phrases puisque son héro n’est que le rédacteur d’un journal intime auquel on ne demande pas de faire du Dos Pasos. C’est aussi un risque : le lecteur pourrait s’ennuyer à suivre les pérégrinations mollement racontée d’un trentenaire, tout comme il s’ennuierait à lire le blog d’un protoadulte comme il y en a des millions sur la toile. Or, non.
Comme il l’a prouvé avec Scream Test (Le Diable Vauvert – 2006), Grégoire Hervier sait raconter ses histoires. Zen City est haletant. L’aspect documentaire du roman est impeccable : une sorte de reader digest de tous les magazines de vulgarisation scientifique sur le thème « Big Brother is watching you». Mais au delà de cette importante structure, le lecteur de polar y trouve largement son compte. Et le déluge d’emmerdements qui dégringole sur les épaules de ce Dominique Dubois tient le lecteur sans problème.
Seul bémol, et j’en reviens au style parce que c’est mon obsession : Grégoire Hervier entrecoupe son récit avec une analyse a posteriori du témoignage de Dubois. Une enquête a en effet débuté à la suite de ce qui est nommé « La tragédie de Zen City ». Ca aurait pu être l’occasion de nous décoller un peu de l’aspect purement autoportrait de principal narrateur. Hélas, il ne s’agit là que de rapports, écrit selon les termes d’usage.
On en restera donc là. Un bon récit, rondement mené, sans recette magique et très inspiré.
PS: pour nous noyer un peu plus dans le monde de Zen City, Grégoire Hervier a mitonné avec ses doigts agiles, un petit site éponyme. On s'y croirait...
Personnellement, je n’ai jamais été un grand lecteur de SF et d’anticipation. Je n’y trouve pas mon compte en terme de style et la plupart du temps, les auteurs finissent toujours par se prendre à leur propre piège, obligés qu’ils sont de raconter sur des centaines de pages pourquoi et comment le monde en 3456 en est arrivé à ce qu’il est. Seul Philip K. Dick a jusqu’à présent trouvé grâce à mes yeux, sans doute parce qu’il se défonçait et qu’il lui apparaissait plus important de nous imposer son histoire que de nous raconter pourquoi elle était aussi bordelo-poétique. J’avoue bassement m’en être tenu là et ne faire que quelques rares incursions dans le domaine.
Avec Zen City, Grégoire Hervier nous facilite la tache tout en se la compliquant. Le narrateur est un bloggeur et la plupart des choses que l’on apprend passe par le décryptage des post qu’il envoi quotidiennement sur son site. Cela a deux mérites : d’un, la rétrospective des évènements qui ont conduit notre époque à accoucher d’une cité où il est normal de se faire implanter un puce RFID, n’est pas rébarbative. De deux, question stylistique, Hervier se libère de la complexité de faire de belles phrases puisque son héro n’est que le rédacteur d’un journal intime auquel on ne demande pas de faire du Dos Pasos. C’est aussi un risque : le lecteur pourrait s’ennuyer à suivre les pérégrinations mollement racontée d’un trentenaire, tout comme il s’ennuierait à lire le blog d’un protoadulte comme il y en a des millions sur la toile. Or, non.
Comme il l’a prouvé avec Scream Test (Le Diable Vauvert – 2006), Grégoire Hervier sait raconter ses histoires. Zen City est haletant. L’aspect documentaire du roman est impeccable : une sorte de reader digest de tous les magazines de vulgarisation scientifique sur le thème « Big Brother is watching you». Mais au delà de cette importante structure, le lecteur de polar y trouve largement son compte. Et le déluge d’emmerdements qui dégringole sur les épaules de ce Dominique Dubois tient le lecteur sans problème.
Seul bémol, et j’en reviens au style parce que c’est mon obsession : Grégoire Hervier entrecoupe son récit avec une analyse a posteriori du témoignage de Dubois. Une enquête a en effet débuté à la suite de ce qui est nommé « La tragédie de Zen City ». Ca aurait pu être l’occasion de nous décoller un peu de l’aspect purement autoportrait de principal narrateur. Hélas, il ne s’agit là que de rapports, écrit selon les termes d’usage.
On en restera donc là. Un bon récit, rondement mené, sans recette magique et très inspiré.
PS: pour nous noyer un peu plus dans le monde de Zen City, Grégoire Hervier a mitonné avec ses doigts agiles, un petit site éponyme. On s'y croirait...
Zen City
Roman français de Grégoire Hervier
Editions du Diable Vauvert – 2009
347 pages
Roman français de Grégoire Hervier
Editions du Diable Vauvert – 2009
347 pages