Potentialité d'une campagne de presse inexistante

Il faut dire qu’en dessous d’un certain nombre de livres vendus, les auteurs tels que moi n’ont pas beaucoup l’occasion de se regonfler l’égo en lisant les pages de la critique littéraire.

C’est sans aucun doute pour cela que l’on a inventé le net. Vous imaginez bien que si je vivais de mon clavier, si tous les bouquins que vous voyez dans la colonne de droite passaient des années entières dans les têtes de gondoles, je n’aurais pas de temps à perdre en tentant d’attirer le chaland dans un blog misérablement consumériste. Oui, je sais, tous les écrivains ont leur blog. Mais vous savez comment sont ces gens, imbus d’eux-mêmes et jamais prêt à lâcher du terrain.

Donc, les auteurs tels que moi se contentent de ce que l’on dit d’eux sur le net. La potentialité d’un auteur tel que moi réside principalement dans le fait que je ne suis pas connu, que je me débats donc dans l’océan des parutions et dans l’agenda des salons, et qu’en l’occurrence, j’inspire un minimum d’indulgence. Et oui ! L’auteur connu risque à tout moment de se voir égratigné par un critique notoire. Pourquoi ? Parce que le critique notoire n’a que faire de la toile. Lui, il publie sur papier. Et ça coute cher, le papier. Donc, le critique notoire va vous décortiquer un bouquin, tomber sur le point virgule de trop et vous en faire des caisses histoire de vomir sa bile allergique aux points virgules.

Foin de cela en ce qui concerne les auteurs tels que moi. Nous, les auteurs tels que moi, passons de bons moments à nous faire empommader l’abdomen par de doux mots. Comme il est prouvé dans la revue de presse qui me concerne et que vous pouvez à tout instant consulter tout en bas de la colonne de droite, l’auteur tel que moi acquière donc, au fil des ans et de ses quarts de succès, une certaine expérience dans le domaine de la critique littéraire. Ainsi, lorsqu’il passera, un jour sans doute, de la catégorie Jeune Auteur Prometteur à celle d’Ecrivain, l’auteur tel que moi pourra allégrement et tout à loisir s’en prendre plein la gueule et consulter pour mémoire les articles du net de l’époque où on pensait du bien de lui. Las ! A cet instant de sa vie, l’auteur tel que moi est principalement détesté par les chroniqueurs du net…