Potentiel du cadeau à risque
Sukkwan Island
de David Vann


Un premier roman, dix ans de rédaction et le prix Médicis étranger 2010, autant dire que le PetLab est, en cette rentrée littéraire 2011, totalement à coté de ses pompes et surtout très à la bourre pour parler de Sukkwan Island. Mais il faut dire que la digestion est difficile.

Jim est dépressif, au fond du trou, ses relations avec sa compagne sont sans issue, sa vie ne semble avoir aucune perspective. Voilà sans doute pourquoi il décide d’embarquer son fils, âgé de 13 ans, pour une longue virée de plusieurs mois dans une cabane perdue, au centre d’une ile désolée, Sukkwan Island, état de l’Alaska. Mal préparée, le bivouac, après avoir connu quelques avaries de départ, tourne carrément au cauchemar. Un cauchemar à l’opposé total de ce que Jim avait prévu, si tant est qu’il ait prévu quoi que ce soit.

C’est au Festival International du Roman Noir de Frontignan de cette année 2011 que nous avons entendu parlé de Sukkwan Island et par extension de David Vann – oui, certes une telle introduction quand on se dit chroniqueur littéraire plutôt attiré par le roman noir, peut faire douter de ses capacités. Le garçon était présent, on a cherché à savoir de quoi parlait son roman avant de voir si on y consacrerait une partie de nos défraiements, et puis on s’est laissé raconter dans les grandes lignes ce premier roman, déjà largement félicité l’année précédente, primé qui plus est. Vous savez comment ça se passe, y en a toujours un qui a l’art de vous tourner ça comme un joli macramé, bref avant même d’avoir acheté Sukkwan Island, on projetait surtout d’en faire cadeau à nos proches pour un anniversaire, une retraite ou un baptême.

Bon, on a vite déchanté.

Attention, Sukkwan Island n’est pas du tout un mauvais livre. C’est juste un livre à déconseiller. Si l’on prend en considération que les temps sont plutôt durs, que 10 à 12% de la population de ce pays vit en dessous du seuil de pauvreté, que c’est tellement la merde partout qu’on a l’impression qu’un plombier démoniaque nous a tous greffé la conduite des chiottes directement sur le cortex, alors on se dit qu’on a bien fait de ne pas acheté la pile du premier roman de David Vann, même si David Vann est un garçon sympathique et avenant. Franchement, y a de quoi se carré le tuyau du gaz au fond de la gorge.

Plus sérieusement, ce bouquin fait un mal de chien. Divisé en deux parties, l’une racontée dans les pas du fils, l’autre dans les bottes détrempées du père, cette histoire possède tous les mérites d’un grand récit. Il y a du Jack London là-dedans, mais un Jack London incapable de faire un feu. Il y a aussi du Hemingway, mais du Hemingway trop torché pour raconter autre chose que ses delirium tremens. Il y a une sorte d’épique américaine mais qui dégoulinerait d’un radiateur mal fermé. Voilà dans quoi Vann nous noie avec un talent notoire, et ce en à peine deux cent pages.

Alors bon, on vous aura prévenu : Sukkwan Island est vraiment un bon bouquin, mais si on peut vous donner un conseil, c’est de le lire avec une fiole de poppers à portée de la main.

Sukkwan Island

Roman américain de David Vann

Traduit de l’anglais (USA) par Laura Derajinski

Gallmeister – 2010 – 191 pages