Potentiel de la poutre dans l’œil du cyclope


Visiblement très important, le débat public sur l’Islam et la laïcité voulu par le gouvernement, permet pour pas cher d’aller voir dans l’œil du voisin sans que personne n’aille voir dans le notre. Pourtant, du coté des cathos, y a du boulot…

Décidément, la dream team de l’Elysée a de la suite dans les idées : après le débat sur l’identité nationale qui n’a rien apporter à nos institutions parce que la réponse attendue l’était trop, voici, bien plus clairement énoncé un débat sur l’Islam et la laïcité. Là encore, la réponse est trop attendue et permettra à l’UMP de gloser encore, devant les caméras, aux prochaines élections, en citant des chiffres dans lesquels tant de Français de souche s’accordent à dire que « y en a marre des prières dans la rue ».

La question que ne pose pas le gouvernement – ce qui est la moindre des choses au vue de ses influences et de son dessein électoraliste - c’est le positionnement de toutes les religions ayant droit de citer sur le territoire national. En premier lieu, le catholicisme.

Mais parlons d’abord de ce qui est considéré comme un problème dans notre exercice de la laïcité, qui est en soi une quasi exception mondiale. Dès qu’une association musulmane dépose une demande en mairie pour que la piscine soit réservée aux femmes tel jour de la semaine, dès qu’une mosquée déborde dans la rue à la prière du vendredi, la plupart du temps, plutôt que de faire son boulot, l’équipe municipale monte l’affaire en épingle et la chose se retrouve subitement dans la presse. Or, quel est-il ce boulot ? En tant qu’élu et donc dépositaire des lois de la République, le maire, avant de rameuter les journalistes, n’a qu’une seule chose à faire : appliquer la loi. Et la loi dit, en matière de laïcité, que les bâtiments et lieux publics ne peuvent pas servir à recevoir quelque manifestation religieuse, de quelque ordre soit elle, ces manifestation étant cantonnés aux lieux de cultes qui lui sont réservés. Un non catégorique suffit, il est légalement assumable et a au moins le mérite de n’être abrité par aucune sorte d’idéologie.

Seulement voilà. Si ce débat sur la laïcité dégage, avant même d’être lancé, des remugles nauséabonds, c’est justement parce qu’il ne prend à parti qu’une seule religion et en fait une menace potentielle à l’application de cette laïcité – heureusement que quelques voix se sont élevées au moment du vote de la loi sur la port du tchador à l’école pour demander que dans le même temps soient honnis les croix et tout autre breloque. Or, à l’heure actuelle, dans notre beau pays, que d’aucun voudrait connaître avec un meilleur teint, cette question de laïcité ne se pose pas à part égale. Et c’est sans doute ça qui dérange une partie des édiles qui entendent soulever le tapis et y cacher la poussière.

Car, qu’en est-il de la laïcité quand on prête aujourd’hui encore aux associations catholiques des salles de classe de l’école publique en dehors des heures de cours, afin d’y enseigner le catéchisme ? Qu’en est-il de la laïcité quand M. Juppé, maire de Bordeaux, accède à la demande de l’Opus Dei pour occuper une église de la capitale girondine au détriment de l’association sociale en place à l’époque ? Qu’en est-il de la laïcité lorsqu’à le Ministère de l’Education Nationale enfle les programmes scolaires de l’école primaire en y rajoutant des cours d’histoire des religions alors même que cet apprentissage est déjà présent dans les programmes d’histoire ? Qu’en est-il de la laïcité lorsque M. Sarkozy, tout juste élu au plus haut poste de la nation, est filmé à Saint Jean de Latran faisant un beau discours sur les racines chrétiennes de la France, racines chrétiennes qu’il voudrait bien inscrire dans la constitution européenne, suivant en cela l’idée de son prédécesseur Giscard d’Estaing ?

Il est très inquiétant de voir qu’au bout de 2000 ans, on en est encore à taper du poing sur la table pour imposer la religion dominante, mais il est encore plus inquiétant de constater que ce ne sont pas les curées qui s’en occupent mais les membres d’un état laïc. La laïcité à la française voulait à la base que l’église ne soit plus représentée dans les institutions publiques, n’aie plus la parole dans les décisions politiques, reste cantonnée au domaine privée et à celui des lieux de culte. Aujourd’hui, la préoccupation du gouvernement est de détourner l’idée même de cette laïcité en prétendant qu’elle sert à respecter la religion et qu’en soit, le religieux est un interlocuteur social comme un autre. Cet état qui lutte en sous main pour un retour aux bonnes pratiques des siècles passés où le goupillon avait ses entrées sous les ors de la République, voudrait aujourd’hui nous faire admettre qu’il y a un problème avec l’Islam en France.

Alors oui, il y a un problème avec l’Islam, et c’est exactement le même qu’avec les catholiques, les bouddhistes, les protestants et tout ce qui peut encore asservir l’esprit de l’homme avec ou sans son consentement : la place de la religion n’est pas dans l’espace public.