Potentiels du suspense japonais
La maison où je suis mort autrefois de Keigo Higashino


Récipiendaire du prix du roman policier international de Cognac 2010, Keigo Higashino ne s’est pas déplacé puisqu’il vit terré dans son île de l’archipel japonais. Ce premier roman traduit en France nous laisse à penser qu’il a bien raison.

A la mort de son père, Sayaka reçoit une enveloppe dans laquelle elle trouve une clé et un plan menant dans une région montagneuse qu’elle ne connaît pas. Effrayée par la perspective de devoir fouiller dans une enfance dont elle ne se souvient plus, elle demande alors à son ex petit ami de l’accompagner dans son voyage. A deux, ils vont découvrir une étrange maison, le journal intime d’un jeune garçon, et reconstruire petit à petit le passé de Sayaka, devenue une mère malheureuse et maltraitante.

Aux dires de la courte bio du quatrième de couverture, Keigo Higashino, né en 1958, est l’un des plus importants auteurs de polars japonais. Aux dires du président du jury du festival du roman policier de Cognac qui lui remettait la semaine dernière le prix du polar international 2010, Higashino est aussi un homme qui ne quitte jamais son île, ni sa maison, coupé du monde.

Assez peu étonnant quand on découvre cette Maison où je suis mort autrefois. Du reste, on ne la découvre pas, on plonge dedans et c’est plutôt compliqué de s’arrêter. Au PetLab, on n’hésite rarement à brandir de grandes phrases définitives. Ne nous privons donc pas cette fois encore et disons-le tout net : Higashino vient de réinventer le whodonit, ce style de roman à intrigue dont le principe repose sur la découverte au fil des pages du meurtrier. Là, la première question est de savoir s’il y a un meurtre. Ce que découvrent les deux personnage, c’est une maison, mystérieusement vidée de ses habitants il y a vingt trois ans, à une heure très précise : 11H10, comme l’affichent toutes les pendules de l’endroit. La seule chose sur laquelle ils peuvent s’appuyer, c’est le journal intime d’Yusuke, enfant de moins de dix ans, qui habitait là avec ses parents. Dans ses pages, Yusuke raconte un quotidien plutôt agréable qui tourne lentement au drame. Oui, mais quel drame ? On le sait bien, un journal n’est pas forcément un endroit où l’on raconte tout par le détail puisqu’on en est soi-même l’auteur.

Sur deux cent cinquante pages, Higashino nous ballade donc dans toutes les hypothèses envisagées par Sayaka et son ami. Dans la ligne de mire, la possibilité pou la jeune fille de retrouver la mémoire de son enfance puisque son père semble étroitement liée à cette maison.

Ce roman est effroyable de simplicité et de fractures. Toutes les théories échafaudées par le couple s’effondrent les unes après les autres. Toutes les lectures faites du journal s’avèrent faussée par de nouveaux éléments. Avec si peu d’éléments, La maison arrive à nous embarquer dans une angoisse allant crescendo. Ici, point de rideaux de pluie masquant des créatures rampantes à cheveux longs et gras, point d’enfants apparaissant de dos dans des couloirs désaffectés. Juste une terrible objectivité victime de l’interprétation de deux personnages totalement aveugles.

La maison où je suis mort autrefois, avec une économie de moyens exceptionnel est sans aucun doute l’un des romans les plus flippant de ces dernières années.

La maison où je suis mort autrefois

Roman de Keigo Higashino

Traduit du japonais par Yutaka Makino

253 pages – Actes Noirs/Actes Sud - 2010