2030, le monde a accepté dans ses sociétés l’émergence des clones. De manière purement utilitaires. Ceux-ci sont parqués dans des ghettos et ne servent pas à grand chose. Quoique. Doué d’incarnation, ces Omnimorphes sont principalement là pour que l’homme vive à travers eux des séances de baises en dehors desquelles ils ne se touchent pas les uns les autres. Et encore : ces set sont soumis à une loterie nationale obligatoire. Vous ne pouvez en bénéficier qu’à condition de valider votre ticket. Voici comment Gabriel Lecouvreur, 70 ans aux fraises, arrive à honorer Chéryl. Seulement voilà, le clone féminin dont s’est servi la coiffeuse est assassinée, et celui de Gabriel soudain menacé. Et pour le Poulpe qui s’emmerde avant de mourir, c’est une excellente occasion de remonter en selle.
Ca y est, Baleine a tiré le gros lot. Fortement nanti par un héritage qui tombe du ciel, l’équipe débauche les plus prestigieux auteurs, un peu comme au foot. Après Marin Ledun, voici donc le second transfuge Gallimard de la saison. Antoine Chainas est, comme le dit le dossier de presse qui ne chie définitivement pas dans les bottes de ses écrivains, « le plus talentueux des jeunes auteurs des plus beaux livres de tous les temps ». Donc, en l’état, il n’avait pas le choix. Et son 2030 est certes court, mais a des vertus régénératrices. Après les vieux en révoltes de Jody (Vieux mille vieux sur les nerfs), voici un Gabriel croulant qui se relance dans l’aventure grâce à son incarnation dans le corps de clones.
C’est du Matrix version Lecouvreur. La société française dépend d’une multinationale qui fabrique les Omnimorphes, leur interdit pratiquement tout ce qui sort de leur utilité première, les parque dans des réserves. Les Omnimorphes, personne n’en veut, ils souffrent d’un ostracisme infernal, ont leurs protecteurs, bref, ce sont les roms de demain sauf qu’on ne peut pas les renvoyer dans leurs pays. Alors Paris est coupé en zones et la zone de l’Est leur est réservé. La scène de fin est assez parfaite, avec un Gabriel moribond qui, via un caisson trop compliqué à décrire ici, s’incarnant de clone en clone comme on prend un taxi, et revenant systématiquement au point de départ pour vomir son dîner. On dirait la dernière bobine de The surrogates, avec Bruce Willis.
Succulent petit Poulpe qui prouve une fois de plus que le céphalopode en a encore sous le tentacule. Passé, présent, futur, on en fait ce que l’on veut, l’essentiel est de s’amuser et de donner du plaisir. Gabriel Lecouvreur est le premier des Omnimorphe. A travers lui, c’est le lecteur qui balance des mandales dans la tronche des affreux.
Le Poulpe – 2030 : L’odyssée de la poisse
Roman de Antoine Chainas
143 pages – Baleine - 2010