Potentiel de l’assemblage
Les Insulaires et autres romans (noirs)
de Pascal Garnier


Réédition en un seul volume de trois romans noirs de Pascal Garnier, Les insulaires est une cartographie en trois opus des personnages qui hantent l’œuvre de l’auteur disparu cette année. Et c’est toujours aussi désespérément drôle.

Dans La place du mort, Fabien se retrouve veuf brutalement. Non seulement ça mais sa femme est morte dans un accident de la route, à bord de la voiture de son amant. Fabien est donc en plus cocu. Heureusement Gilles est là, Gilles le copain, lui aussi nouvellement plaqué, avec son fils en bas âge sur les bras. Les deux hommes vont s’installer ensemble et se laisser redescendre vers l’adolescence. Jusqu’à ce que Fabien rencontre une femme, qu’il va se mettre à suivre, dans la rue…

Dans Les insulaires, Olivier perd sa mère et se retrouve obligé de monter à Paris pour s’occuper de l’enterrement. Alors qu’il investit sur la pointe des pieds, le petit appartement de la vieille, il tombe un soir sur la voisine de palier. Jeanne. Son grand amour de jeunesse, celle avec qui il a fait les projets les plus fous et commit un acte atroce. Jeanne vit avec son frère, Rodolphe, obèse, aveugle et pervers. Bientôt les rejoindra Roland, SDF. Et bientôt aussi, le nuit de Noël.

Dans Trop près du bord, Eliette, sexagénaire vivant seule dans une vieille demeure campagnarde, tombe en panne sur le bord de la route. Un homme se présente, à pied, tombé lui-même en panne plusieurs kilomètres en amont. Etienne lui porte secours, sous une pluie battante, en échange de quoi, Eliette l’invite à venir se sécher à la ferme. Etienne est plus jeune qu’elle, séduisant, séducteur et accessoirement truand.

En rééditant en un seul pavé ces trois romans de Pascal Garnier, Zulma fait un geste salutaire (quoique tarifé, il est bien normal) pour une partie de l’humanité : celle qui ne connaît pas encore Pascal Garnier. Ces Insulaires sont un peu comme la mallette de démonstration d’un excellent VRP qui se donnerait beaucoup de mal pour vendre sa camelote. Sauf que la plume de Garnier n’a rien d’un ensemble de brosses multifonction. La plume de Garnier n’incite qu’à deux choses : cesser toute activité annexe (ménage, travail, s’occuper de faire la bouffe pour les gosses) et se plonger dans un canapé pour lire.

Seulement voilà, Pascal Garnier, 61 ans, est mort le 5 mars 2010. Il laisse derrière lui plus d’une vingtaine de romans et des lecteurs qui vont rapidement se retrouver en manque. Pour les autres, il y a Les insulaires et son travail de fond sur le genre humain, quelque chose qui pourrait se rapprocher des films de Chabrol, autre disparu récent des hauts étages de la fiction. Un même décorticage acerbe de la noix humaine au couteau effilé, une manipulation qui, à tout moment, peut faire ripper la lame et entamer la paume de la main. Un humour né d’une contemplation hébétée qui nous dit que chacun d’entre nous est un spectacle en soit et surtout le vecteur de petits évènements qui, mis bout à bout, pourrait parfaitement concurrencer l’Iliade et Odyssée.

Les Insulaires et autres romans (noirs)

de Pascal Garnier

522 p. - Zulma - 2010