Potentiel de la croulance :
Le Poulpe : Vingt mille vieux sur les nerfs
de Jean-Paul Jody

En pleine polémique sur les soi-disant accointances krypto-fascistes de la maison Baleine, le Poulpe, comme chaque mois, sort du bois, ce coup-ci sous la plume de Jean-Paul Jody. Un bon moyen de se marrer avec une palanquée de petits vieux, mous du genou, mais pas du ciboulot…

Gérard, le tenancier du Pied de Porc à la Sainte Scolasse, annonce à Gabriel Lecouvreur que la spécialité aux cartilages de cochon, c’est terminé. Désormais, son restau va s’ouvrir à une clientèle plus en phase avec le changement de population du quartier. Bobo. Le Poulpe lui propose alors d’aller chercher dans l’entourage de Pedro, des petits vieux qui apprécieront la bonne cuisine d’antan. Marché conclu. Et voilà le Pied de Porc qui se peuple, une fois par semaine, d’un troupeau de subclaquants, affamés de souvenirs. Le seul truc auquel Grabriel n’a pas pensé, c’est que ce sont tous d’anciens militants d’extrême gauche et qu’une fois revenu à la lumière du jour, ils se sentent pousser des ailes : à l’article de la mort, les voici parti sur le chemin de la guerre, une ceinture d’explosif autour de la taille et leur honorabilité comme passeport. Et ils commencent à se faire péter, les uns après les autres.

L’épisode écrit par Jean-Paul Jody est plutôt surprenant. On s’attendait, au vu du CV de l’auteur, à trouver le Poulpe aux prises avec un consortium pharmaceutique, une assemblée d’actionnaires de l’industrie automobile, ou bien quelques criminels de guerre en fuite dans une banlieue richement pourvue. Or non. Gabriel Lecouvreur se retrouve littéralement largué. Le voici réunissant une bande de petits vieux qui n’attendaient plus que ça pour remettre la lutte armée sur le devant de la scène.

C’est extrêmement drôle, d’un gout parfaitement bord cadre, et, si ça peut en rassurer certain qui passent aujourd’hui la maison Baleine au crible, très de gauche. Oui, ces petits vieux se font péter dans un grand fou rire, au milieu de diverses cibles, du grand patron au ministre, tout vole en éclat. Une bande de Taties Danielles en goguette, un pain de C4 dans la poche et le détonateur dans la main.

Et le Poulpe passe les 150 pages de son histoire à courir toujours derrière, à comprendre à contre temps et à chercher qui, quoi, comment et pourquoi alors que c’est si simple. Oui, surprenant, ce Gabriel entre les doigts de Jody. Comme si soudain, la lutte armée, une fois qu’elle est devenue guerre, lui inspirait quelques craintes et une solide envie de revenir à des valeurs un rien plus peace and love.

Le Poulpe n°265 : Vingt mille vieux sur les nerfs

Roman de Jean-Paul Jody

150 pages – Baleine – 2010